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Vegan: la tentation du végétal !

L’homme est omnivore, il peut manger de tout. Pourtant, et ce pour différentes raisons (qui peuvent être d’ordre éthique, environnemental , de santé), certains choisissent d’adopter un régime végétarien, végétalien ou végan.  une époque où règne en occident une forme d’abondance, l’alimentation est devenue un enjeu sociétal, plus porté par des valeurs idéologiques que nutritionnelles, même si la santé reste une préoccupation. Alors que nos générations n’ont pas connu de guerres ni de disettes, les modèles alimentaires sont contestés et notamment la viande et les produits d’origine animale.

Le végétarisme se caractérise par le refus de consommer tout produit carné. Les régimes végétariens peuvent revêtir de multiples formes: on peut trouver des lacto-ovo-végétariens qui acceptent de consommer oeufs et produits laitiers, ceux qui acceptent aussi le poisson, ceux qui évitent tous les produits animaux par choix idéologique, s’opposant à toute forme d’exploitation animale. A côté de ceux-la, une tendance se dégage: les flexitariens ou semi-végétariens qui réduisent leur consommation de viande au profit du poisson et de protéines végétales d’apparition récente. Il faut savoir que lorsque l’on mange ni viande ni poisson, un risque de déficit d’apports en certains nutriments peut survenir (fer, vitamine B12, zinc pour la viande, DHA pour le poisson..). Continuer à consommer des produits laitiers et des oeufs permet de diminuer quelque peu les risques. Les régimes végan ou végétaliens sont bien plus problématiques, notamment chez les enfants et adolescents.

Phénomène sociétal

Le végétarisme apparaît en Angleterre au 19 éme siècle pour s’élever contre le sacrifice des animaux. Dès 1880, il existait une société végétarienne en France, certains refusaient déjà de manger de la viande. Depuis, les émules se sont développés aux Etats Unis, au Canada et en Europe. Certaines religions, par respect de la vie l’ont inclus dans leurs préceptes. En Inde, 40%  de la population est végétarienne pour des raisons religieuses. Dans notre beau pays, on estime à 2 à 3 %  le nombre de végétariens. Ce mode d’alimentation a aujourd’hui le vent en poupe chez nombre d’adolescentes, des les jeunes citadins, étudiants, population à la recherche d’une alimentation “alternative” qui préserverait la planète, défendrait la cause animale et protégerait des maladies chroniques dites de “société” (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers). C’est essentiellement la médiatisation qui rend le phénomène particulièrement visible. Le nombre croissant de sites internet, de salons spécialisés, de livres, de blogs, de recettes de cuisine ou de gamme de produits dans les grandes surfaces pourrait laisser penser que la France est en passe de devenir végétarienne. Un sondage réalisé en France en 2016 par 0pinion Way donne des chiffres de 2 à 3 % de la population qui se déclarent végétariens. Le “végan” refuse l’utilisation des produits animaux tant dans son alimentation que dans sa vie quotidienne. Il est végétalien et consomme uniquement des végétaux (ni viande, ni sous-produits d’animaux terrestres ou marins, ni oeufs, ni lait), certains vont même refuser les produits d’origine animale (cuir, laine, laine, fourrure, soie, cire d’abeille..) ou les produits testés sur des animaux. Evidemment, cela arrive dans un contexte de pays riche, développé. Quand on n’a rien, on ne fait pas le difficile et on mange de tout, quand on a tout, on peut se permettre de chipoter, de supprimer les produits d’origine animale, les produits laitiers, les produits contenant du gluten et bien d’autres..A l’inverse, dans les pays de tradition végétarienne, on assiste à un engouement pour les produits carnés avec l’élévation du niveau de vie.

Plus personne ne veut tuer un animal (déjà quand j’étais au service militaire, lors d’une marche topographique, personne parmi les appelés du contingent n’avait voulu tuer les poulets vivants qui nous avaient été fournis en guise de repas!), beaucoup ne veulent plus manger de cheval ni de lapin (devenu animal de compagnie). L’élevage des poulets en batterie nous révulse alors que c’était un progrès majeur dans les années d’après-guerre et qu’il fallait nourrir la France qui sortait à peine des restrictions. On s’insurge des élevages de saumon, des antibiotiques dans l’alimentation, des métaux lourds dans les gros poissons. On nous parle de viande rouge et de cancer et tout cela contribue à embrouiller les esprits et se méfier de tout.

Bien fondé ?

Certes, les préoccupations hygiènistes et sanitaires incitent certains à adopter un régime végétarien quand on lit les études épidémiologiques qui établissent un lien entre les modes d’alimentation de certains, la mortalité et les maladies chroniques. Des études récentes (cohorte EPIC Oxford ou étude australienne menée sur 240000 personnes) ne montrent pas de différences entre végétariens et omnivores.

Pour les individus qui consomment oeufs et produits laitiers (protéines d’excellente qualité biologique), l’éviction des protéines carnées ne pose pas problème et l’équilibre nutritionnel est satisfaisant pour ce qui concerne les acides aminés. Cependant, certains acides aminés sont appelés limitants et se doivent d’être présent dans l’alimentation: la lysine (les céréales en sont déficitaires), la méthionine et la cystéine dont les légumineuses sont très pauvres. Il faut signaler aussi que la viande est la source majeure de fer, avec un fer particulièrement bien absorbé.

Pour les végétaliens purs et durs, leur régime est par contre peu compatible avec un équilibre nutritionnel: en effet, l’apport protéique est souvent limite, celui en calcium, fer, iode, vitamine D et acides gras oméga 3 insuffisants. Un risque de carence en vitamine B12 est majeur, ce qui conduit en quelques années à une anémie mégaloblastique ou une sclérose combinée médullaire. L’individu se retrouve avec les symptomes suivants:

  • Fatigue
  • Vertiges
  • Pâleur, surtout au niveau des lèvres, des paupières et des gencives.
  • Détresse respiratoire
  • Palpitations
  • Troubles gastro-intestinaux (flatulences, diarrhées)
  • Sécheresse des muqueuses, crevasses au niveau des commissures des lèvres
  • Troubles gustatifs
  • Tendance aux saignements, troubles de la sensibilité
  • Sujets souvent en sous-poids
  • Syndrôme dépressif

Pour un bébé allaité par une mère végétalienne mal supplémentée, une carence en vitamine B12 se manifeste avec un arrêt de croissance et une possibilité de troubles neurologiques qui peuvent se révéler graves et irréversibles..

D’un point de vue purement théorique, les végétariens peuvent couvrir leurs besoins en acides aminés en associant céréales et légumineuses: semoule + pois chiches, maïs + haricots rouges mais cela ne répond pas toujours à leurs besoins. La teneur élevée en fibres de l’alimentation végétalienne peut affecter l’absorption des protéines et des minéraux. Quant à l’élaboration des protéines issues du soja, des céréales et des fruits à coque, il peut y avoir des pertes importantes d’acides aminés.. La couverture des besoins nutritionnels des végétaliens est aussi problématique pour l’EPA, le DHA (acides gras de la série oméga 3), la vitamine D et le calcium. La consommation d’aliments enrichis artificiellement est recommandée (même si la biodisponibilité des nutriments n’est pas la même) ainsi que l’utilisation de compléments alimentaires qui, dans ce cas précis, leur seront d’une grande utilité.

 

La question du rendement protéique

On en parle souvent pour déplorer nos gaspillages alimentaires. Le rendement protéique est la quantité brute de protéines végétales ingérées par l’animal, divisée par la quantité de protéines produites. Elle est fonction des performances de l’élevage. Il s’agit d’un calcul assez théorique car il ne prend pas en compte la valeur biologique des protéines produites. Contrairement aux protéines végétales, les protéines animales ne sont pas limitées en acides aminés essentiels, il en faut donc moins pour couvrir les besoins de l’homme. Chez la vache laitière par exemple, il faut 3,5 Kg de protéines végétales pour produite 1 Kg de protéines de lait. Sur les 3,5 Kg consommés par l’animal, 1 Kg de protéines végétales aurait pu être consommé par l’homme: la ration protéique de la vache est constituée de 80% de fourrages (herbes et maïs) non comestibles par l’homme et cultivés sur des surfaces difficiles à cultiver. Les vaches consomment aussi des tourteaux de colza, de soja ou des brisures de céréales, coproduits de l’industrie alimentaire, produits que l’homme ne peux pas consommer pour se nourrir ( 4 millions de tonnes de coproduits issus de l’industrie du végétal sont consommés chaque année par les vaches laitières). En ce qui concerne les porcs, les moutons, les volailles et lapins, tout est similaire. Chez les 11 races à viande en France, 92% de l’alimentation sont produits sur l’exploitation.

 

En conclusion:

La consommation globale de viande, qui était faible au début du 20 éme siècle et qui a beaucoup augmenté dans les années 80, est en train de diminuer peu à peu, passant de 58 g par jour et par personne en 2007 à 52 g aujourd’hui. L’homme modifie ses habitudes peu à peu mais le végétarisme est loin d’être la panacée, le bien-être annoncé. Contrairement à ce qui est souvent dit (surtout sur internet), rien ne prouve aujourd’hui que la mode du “tout végétal” soit meilleure pour la santé. Si le sujet est LOV (lacto ovo végétarien), ce type de régime est tout à fait acceptable sous réserve d’une éducation nutritionnelle et de bilan biologique régulier avec le médecin traitant. Une nouvelle approche, que l’on appelle le flexitarisme*, corrige un peu les méfaits de l’alimentation de type occidental avec une réduction de la consommation de viandes, de sucres simples à index glycémique élevé, avec une alimentation plus riche en fibres, en protéines végétales, en antioxydants, plus alcalinisante. En revanche, le végétalisme est dangereux, expose à pas mal de risques et est à proscrire absolument chez les enfants, les ados, les femmes enceintes, les personnes âgées et les malades de cancers.

* le mot “flexitarisme”, néologisme, a intégré les dictionnaires Robert et Larousse en 2017!

Sources: 

  • Pr Jean-Louis Schlienger: “la tentation végétale est-elle nutritionnellement acceptable?” Cholé-Doc 2017; 157.
  • La tentation du végétal; Nutri-doc Octobre 2017 lettre d’information du Centre de Recherche et d’information nutritionnelles.
  • Revue du CNIEL Novembre Décembre 2017 “questions sur produits laitiers et véganisme”
  • 1 ère édition du MealLab Charal “demain, serons-nous tous flexitariens?” 29.11.2017
  • “Alimentation et santé: Omnivore, végétarien, végétalien ?” Léon Guéguen. Science et pseudo-sciences n°283, octobre 2008
  • “The contribution of vegetarian diets to health and desease : a paradigm shift ?” Joan Sabaté. Am J Clin Nutr, 78 : 502S-507S. 2003