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Radiographie du thé vert

Le thé vert est de plus en plus consommé. On lui prête beaucoup de vertus. Que doit-on retenir de cette
consommation ? En pharmacie, parapharmacie, grandes surfaces, magasins de diététique, de produits bio, par
correspondance en phytothérapie, les produits à base de thé vert sont présentés sous différentes formes. Les
effets peuvent être particuliers selon la présentation (feuilles en vrac, poudre, gélules, infusion sachets) et le
mode de préparation du produit.

Sous forme de feuille et sous forme de poudre :

Dans la Pharmacopée française le « thé vert » est constitué de « la feuille jeune, non fermentée, soumise à une
dessiccation rapide à chaud (produisant des inactivations enzymatiques et préservant les catéchines), puis séchée
de Camellia sinensis et de ses variétés cultivées ». Cette matière première, généralement utilisée en infusion,
renferme :

  • jusqu’à 20 % de composés phénoliques, soit environ 400 mg (de polyphénols totaux) dans une tasse de thé
    vert: on y retrouve des acides phénols (acide caféique, acide chlorogénique) ; des tanins, des flavonols, composés
    phénoliques, des composés flavaniques .
  • des protéines (15-20 %), des acides aminés (3 % dont surtout l’éthylamide de l’acide glutamique, dénommé
    théanine) ;
  • des glucides (5 %) et des polysaccharides (13 %) ;
  • des saponines triterpéniques ou théasaponines, très solubles dans l’eau (et dans les premiers infusats) et donc
    susceptibles de modifier la disponibilité d’autres composants ;
  • de la vitamine C (acide ascorbique) et des vitamines du groupe B ;
  • 2 à 4 % de bases puriques (constituant majoritaire : la caféine) ;
  • des hétérosides d’alcools aromatiques, odorants et libérés lors de l’infusion ;
  • des matières minérales, dont des fluorures (130 à 160 mg/kg) pouvant expliquer des cas de fluorose.

Sous forme d’une infusion :

L’infusion est la préparation traditionnelle et renferme les composés les plus polaires. Cependant, en raison
d’une certaine amertume, la tradition chinoise fait généralement rejeter le premier infusat, ce qui peut revenir à
rejeter une proportion élevée sinon la majorité (suivant la température et le temps de contact) de ces composés
(saponines, caféine, catéchols). Ce n’est donc que ce qui reste qui est bu sous la forme d’un second infusat moins
concentré.
Ensuite, toujours d’après la tradition chinoise, la même matière végétale est réutilisée pour de nouvelles
infusions ; l’infusion est encore aromatique mais de moins en moins chargée en caféine et polyphénols.
La composition varie aussi selon la variété du thé ; en effet, il peut s’agir de feuilles adultes ou de boutons
floraux. La tradition chinoise ne retenait qu’un bouton et 2 ou 3 feuilles jeunes voisines, or la teneur en catéchols
est plus basse dans ces feuilles jeunes que dans des feuilles adultes. De plus, la présentation commerciale en
poudre ou sachet peut faire utiliser des feuilles âgées (non présentables comme boutons jeunes) et sous forme de
débris, c’est à dire plus riches en catéchols et les libérant mieux du fait de la fragmentation.
La composition varie aussi selon le rapport volume d’eau et masse de thé mise à infuser (en général 7,5-10 g/L),
selon le degré de division, selon la température (50-100°C), selon le temps de contact, selon le mode
d’extraction: infusion statique, décoction, avec ou sans agitation.
Le rejet du premier infusat après une durée d’infusion de 2 minutes reviendrait à éliminer 72% de la caféine et
approximativement 50 % des catéchols (Astill et al. 2001). Par ailleurs, la caféine (alcaloïde) forme des
complexes avec les composés acides comme les tanins et les catéchols.
Le mode de préparation traditionnel avec le rejet du premier infusat, revient à réduire considérablement les
quantités de catéchols absorbées par rapport à des simulations de consommation théoriques, surtout en cas de
prises répétées. Les estimations de consommations qui ont pu être faites avec les produits commercialisés en
Occident portent sur :
– des infusats natifs sous la forme d’un sachet dans lequel la matière végétale est finement divisée entraînant des
rendements d’extraction améliorés, et de qualité moins bonne que dans le thé en vrac (feuilles moins jeunes ou
débris plus riches en catéchols) ;
– un cumul de tels infusats en cas de prises renouvelées puisqu’un nouveau sachet dose est utilisé à chaque fois.
Ceci peut amener avec les infusions présentes sur le marché français et à plus forte raison avec des extraits
concentrés, à des consommations très supérieures à celles apportées par des infusions préparées selon la tradition
(avec des thés issus de jeunes boutons et en jetant le premier infusat).
Le consommateur peut être tenté d’agiter le sachet ou de l’écraser ce qui augmente le passage des catéchols dans
l’eau par simple diffusion.
Le rapport de l’EFSA (agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) cite des teneurs montrant une très
grande variabilité avec des produits commercialisés et pas nécessairement constitués du jeune bouton foliaire
entier ou peu divisé (EFSA-ESCO et al. 2009) :
– dans des feuilles de thé vert des teneurs de 16 à 203 mg/g d’EGCG ont été mesurées, soit une moyenne de 71
mg/g (USDA 2007) ;
– dans une infusion de 100 ml, ces teneurs pourraient être de 77,8 mg d’EGCG (Epigallocatéchine gallate :
puissant antioxydant du thé) en moyenne (minimum : 2,3 mg/100 ml ; maximum : 203 mg/100 ml) (USDA
2007) ; il y aurait avec des thés chinois et japonais, 26 à 41 mg d’EGCG (51-84 mg de catéchols totaux) dans
une tasse de 100 ml (Khokhar et al. 1997) ;
– dans une première infusion préparée avec les formes commercialisées en Occident, des teneurs de l’ordre de
141-338 mg /l de caféine et 398-1127 mg/L de catéchols totaux dont 117-442 mg/l d’EGCG ont été mesurées
(Reto et al. 2007).
Avec les présentations en sachets, le rendement d’extraction est plus élevé, avec 82 % des catéchines extraites en
3 minutes (Astill et al. 2001).
En effet, la température de l’eau est proche de l’ébullition, les feuilles sont finement divisées ; enfin le sachet
peut être agité au lieu de ne subir qu’une simple diffusion passive. Le thé vert est beaucoup plus riche en
catéchols (13 %) que le thé noir qui, après fermentation, n’en renferme que 2 %.
Il faut noter aussi que le rejet du premier infusat fait éliminer la majorité des saponosides, qui sont des
tensioactifs naturels (extrêmement solubles dans l’eau, même à froid) susceptibles de modifier la digestion de
nutriments ou de xénobiotiques. Ils sont évidemment très abondants dans une infusion première (ils sont aussi
présents dans un extrait alcoolique et dans une poudre) mais à des taux plus bas dans les infusés suivants.
Composition d’un extrait alcoolique :
Certains extraits concentrés et souvent décaféinés, utilisés dans des compléments alimentaires, peuvent atteindre
des teneurs très élevées en catéchols (jusqu’à 80 %). Des quantités théoriques de 130-500 mg/g ont été mesurées
dans des produits commercialisés (Manning et al. 2003).
Tous les composants non minéraux trouvés dans une infusion sont bien extraits par un mélange eau/alcool
(80%). Cependant, des substances lipophiles présentes dans la matrice végétale du thé vert peuvent être mieux
extraites que par l’eau chaude seule. Les doses utilisées apportent des quantités de 70-200 mg de catéchol par
prise de complément à base d’extrait (Bun et al. 2006).

Niveaux de consommation :

Les données de consommation (étude Inca 2 réalisée en 2006-2007) montrent que sur 2624 adultes (18 à 79 ans)
891 sont des consommateurs de thé dont l’âge moyen est de 47 ans. Ces consommateurs de thé sont
majoritairement des femmes (68 ± 1,9%). Parmi les consommateurs de thé, 576 consommateurs ont identifié le
type de thé consommé. Ainsi, 222 adultes sont des consommateurs de thé vert exclusivement et 83 adultes
consomment du thé vert et du thé noir.
La fréquence de consommation chez les adultes qui consomment du thé vert au moins une fois par jour est de 1,5
thé par jour (± 0,5). Cette consommation se déroule majoritairement au petit-déjeuner, en association avec une
prise alimentaire. Le thé vert n’est jamais consommé de façon isolée au déjeuner et au dîner. Lorsque la
consommation de thé vert a lieu à jeun, c’est principalement lors de la collation matinale.
Sur le plan biologique :
Le mélange des catéchines présentes dans les extraits de thé vert leur confère des propriétés anti-oxydantes. Des
allégations de santé sont souvent utilisées sans que la réelle efficacité de ces extraits ne soit toujours démontrée.

Ainsi, la FDA américaine n’a pas validé les activités anti-cancer si souvent évoquées dans la littérature, en raison
de preuves jugées insuffisantes (Food and Drug Administration 2004).
Sur le plan toxicologique, de nombreuses études ont été réalisées mais il en ressort une grande difficulté
d’interprétation et de comparaison des résultats en raison de différences importantes dans la composition des
produits administrés qui sont soit des extraits de thé vert aqueux ou hydro-alcooliques n’ayant que rarement les
mêmes teneurs en EGCG, soit des mélanges de catéchines dont la composition n’est pas toujours précisée.
Chez l’Homme, les concentrations plasmatiques en catéchines présentent certaines différences. Comme chez
l’animal, le métabolisme débute au niveau intestinal. La plupart des études rapportent des variations
interindividuelles considérables qui pourraient s’expliquer en partie par une grande diversité de la population
microbienne dans le tractus gastro-intestinal (Schantz et al. 2010).