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Les boissons énergisantes à l’origine de certains troubles cardiaques

Suite aux prises de position de la SFNS, société française de nutrition du sport et aux précédents articles sur Running Club concernant la caféine et les boissons dites énergisantes consommées seules ou avec un certain nombre d’autres boissons, notamment par les jeunes, une nouvelle étude vient confirmer le danger d’abuser de ces « soi-disant boissons énergétiques ». En effet, la consommation fréquente peut conduire à un certain nombre de conditions défavorables, dont l’angine de poitrine, l’arythmie cardiaque et même la mort subite. Ces boissons sont essentiellement consommés par les jeunes lors de soirée arrosées, en « boite » ou à domicile mais il est fréquent de les trouver sur les postes de ravitaillement et comme sponsors de différentes manifestations sportives…

Une grande étude* a analysé les effets indésirables des produits à partir des rapports de cas déclarés à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) entre le 1er janvier 2009 et le 30 novembre 2012 avec la collaboration de 15 spécialistes, cardiologues, psychiatres, neurologues et biologistes. Les résultats ont été mis en regard des données de la littérature scientifique. L’analyse des résultats montre que :

  • La consommation des 103 marques de boissons énergisantes répertoriées en France a augmenté de 30% entre 2009 et 2011, atteignant plus de 30 millions de litres.
  • La marque leader représente à elle-seule 40% de la consommation des boissons énergétiques. Les 2/3 de ces boissons sont consommés à la maison !
  •  96% de ces boissons contiennent de la caféine, une canette de 25 cl pouvant contenir l’équivalent en caféine de 2 expressos. Or la caféine, est un des antagonistes les plus puissants des récepteurs de la ryanodine et conduit à une libération massive de calcium dans les cellules cardiaques. Cet excès peut ainsi entraîner des arythmies, mais a aussi des effets sur les capacités du cœur à se contracter et à utiliser l’oxygène. Les autres composés fréquents sont la taurine (52% des boissons en contiennent, le glucuronolactone, un composé dérivé du glucose (33%). Enfin, 75% des boissons énergisantes contiennent des vitamines.
  • Sur la période d’étude de 2 ans, 257 cas ont été rapportés, dont 212 suffisamment documentés pour évaluer les problèmes de sécurité :
  • 95 cas présentaient des symptômes cardiovasculaires, psychiatriques,
  • 74 des symptômes psychiatriques,
  • 57 des symptômes neurologiques.
  • 8 cas ont donné lieu à des arrêts cardiaques et des morts subites
  • 46 à des troubles du rythme cardiaque,
  • 13 à une angine de poitrine,
  • 3 présentaient une hypertension.
  • La caféine est fréquemment mise en cause :

Caractérisée par une accélération du rythme cardiaque, des tremblements, l’anxiété et des maux de tête, la caféine s’avère en cause dans 60 cas. L’examen de la littérature confirme la relation des effets indésirables rapportés à la consommation de boissons énergisantes et à l’excès de cafeïne. L’autorisation de mise sur le marché de ces produits a été critiquée en son temps par les professionnels de santé et la société française de nutrition du sport (SFNS). Certes, le coureur de fond est plutôt en bonne forme physique et mène une vie saine mais le risque existe et est  particulièrement élevé pour les gens déjà atteints de troubles cardiaques qui doivent être conscients du danger d’une consommation importante de caféine. Quant aux jeunes adeptes des soirées arrosées, la prudence s’impose !

En Avril 2017, un adolescent de 16 ans a succombé à une surdose de caféine en Caroline du sud aux Etats-Unis, après avoir ingéré du café et une boisson énergisante. Le jeune homme est mort des suites d’un incident cardiaque lié à la caféine, qui a causé une arythmie a précisé l’officier enquêteur lors d’une conférence de presse. Aucune autre trace de drogue ou de médicament n’a été retrouvée et l’étudiant semblait ne souffrir d’aucun problème de santé, d’après l’autopsie. 100 milligrammes de caféine pour les ados, c’est déjà trop ! Pour un adulte, la dose journalière de caféine sans risque est fixée à 400 mg par jour, soit l’équivalent de 4 à 5 expressos. L’adolescent s’est effondré dans son lycée, en plein cours, le 26 avril dernier, après avoir consommé un café latte, un soda ainsi qu’une boisson énergisante, le tout en moins de deux heures, selon la police. Outre-Atlantique, l’Académie des pédiatres américains recommande aux adolescents (12-18 ans) de ne pas dépasser 100 milligrammes de caféine par jour. Pourtant, une étude américaine a montré en 2014 que 73% des enfants consommaient de la caféine tous les jours. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a aussi alerté sur les dangers de la consommation de boissons énergisantes, type Red Bull, notamment lors d’activités sportives ou de soirées alcoolisées. Le père de l’adolescent décédé, présent lors de l’annonce du coroner a souhaité intervenir afin de prévenir les parents d’enfants et d’adolescents sur le danger des boissons énergisantes.

Censées donner un regain d’énergie à l’organisme, les boissons dites « énergisantes » contiennent un mix de caféine, taurine, vitamines, ginseng et guarana. Bien sûr, on y trouve aussi une grande quantité de sucre. Leurs effets négatifs sur la santé commencent à être documentés. Lors du dernier congrès de l’American Heart Association (AHA), une présentation a souligné leur potentielle dangerosité. Ainsi, on apprend que consommer une seule de ces boissons peut altérer la fonction endothéliale de jeunes adultes en bonne santé !

En Novembre 2018 le Dr John Higgins et son équipe (Mc Govern Medical School, Houston, Texas) ont mis en évidence une réduction d’environ 50 % de la capacité des artères à se dilater. Dans leur étude, les participants ne pratiquaient pas d’activité physique mais beaucoup de gens boivent des boissons énergisantes avant ou pendant l’exercice, et à ce moment-là, il est très important que les artères puissent se dilater correctement pour répondre à la demande augmentée en oxygène du cerveau, des muscles et du cœur. Ce travail chez des étudiants en médecine en bonne santé apporte des preuves supplémentaires du danger potentiel des boissons énergisantes.

L’étude a inclus 44 étudiants en médecine en bonne santé et non-fumeurs (âge moyen = 24,7 ans, indice de masse corporelle moyen = 23,4). La tension artérielle et le rythme cardiaque ont été mesurés chez les participants et un électrocardiogramme a été réalisé.

La fonction endothéliale a d’abord été évaluée par l’enregistrement de la vasodilatation flux-dépendante en utilisant l’échographie haute résolution. Puis, les participants ont été invités à boire une boisson énergisante, en l’occurrence une canette d’Energy Monster de 68 cl. Les mêmes mesures ont été renouvelées 90 minutes après. Les résultats ont montré que la consommation d’une boisson énergisante avait pour conséquence de diminuer le pic de la réponse vasodilatatrice, laquelle est passée de 5,1% initialement à 2,8%, 90 minutes après la boisson.

De plus, cinq minutes après la consommation de la boisson énergisante, le rythme cardiaque a augmenté en moyenne de 12 battements par minute et la tension artérielle de 12 à 14 mmHg. Ces valeurs sont retournées au niveau de base au bout de 90 minutes alors que la fonction endothéliale restait encore significativement altérée.

Cela montre que les boissons énergisantes agissent directement sur l’endothélium. Des études précédentes avaient montré des effets indésirables sur la tension artérielle, le rythme cardiaque et la fonction endothéliale. Beaucoup de signalements isolés mentionnant des effets cardio-vasculaires et neurologiques graves, dont des arrêts cardiaques en particulier chez les jeunes avec une activité sportive soutenue.

D’autres études, notamment, présentées lors de l’AHA, ont montré que les boissons énergisantes sont associées à une augmentation de l’agrégation plaquettaire et à des effets sur le système nerveux.

Les boissons énergisantes contiennent en général trois ingrédients clefs : caféine, sucre et mix aux propriétés énergisantes (acides aminés comme la taurine, précurseurs du glucose et des vitamines) le plus souvent à très hautes doses.

On pense que la combinaison de ces ingrédients peut être dangereuse et il y a besoin d’une vraie nécessité de transparence.

Les boissons énergisantes sont aujourd’hui considérées comme des produits à base de plantes ou des compléments alimentaires, assujettis à une réglementation minimale.

Elles sont commercialisées sans qu’il leur soit demandé de répondre aux critères de sécurité exigeants de la FDA (Food and Drug Administration). Elles sont même moins soumises à des réglementations que les boissons habituelles », déplorent les scientifiques. Bizarrement, une canette de Coca doit répondre à un niveau de réglementation plus élevé qu’une canette de boisson énergisante. Or celle-ci devrait être réglementée comme le sont les médicaments avec des études sur l’efficacité et la sécurité.

De la même façon, en France, ces boissons ne répondent à aucun encadrement réglementaire spécifique. Notre pays s’était opposé à la mise en vente de tous ces produits (un peu seul face à l’Europe) et, depuis 2013, l’Agence française de sécurité sanitaire (l’ANSES) recommande d’éviter la consommation de boissons dites énergisantes en association avec de l’alcool ou lors d’un exercice physique et d’être particulièrement vigilant vis-à-vis des apports en caféine, notamment  via les boissons dites énergisantes, chez certains consommateurs, en particulier : les femmes enceintes et allaitantes, les enfants et adolescents, les personnes sensibles aux effets de la caféine ou présentant certaines pathologies notamment certains troubles cardio-vasculaires, psychiatriques et neurologiques, insuffisance rénale, maladies hépatiques sévères.

On peut surtout cibler les gens qui, du fait d’une maladie, prennent un traitement stimulant, par exemple les enfants sous Ritaline.

Ces boissons sont de plus en plus populaires, en particulier chez les jeunes. La commercialisation de ces boissons chez les jeunes doit être stoppée et la dangerosité des boissons énergétiques avant un exercice intense devrait être largement expliquée. La pratique courante chez les jeunes qui consiste à mélanger boisson énergisante et alcool est particulièrement inquiétante.

 

 

Sources:

  • « Boissons énergisantes : une canette suffit à altérer la fonction endothéliale » – Medscape – 28 nov 2018.
  • Nowak D, Gośliński M, Nowatkowska K. The Effect of Acute Consumption of Energy Drinks on Blood Pressure, Heart Rate and Blood Glucose in the Group of Young Adults.
  • Int J Environ Res Public Health. 2018 Mar 19;15(3). pii: E544. Kamijo Y, Takai M, Fujita Y, Usui K. A Retrospective Study on the Epidemiological and Clinical Features of Emergency Patients with Large or Massive Consumption of Caffeinated Supplements or Energy Drinks in Japan. Intern Med. 2018 Aug 1;57(15):2141-2146.
  • Mattioli AV, Manenti A, Farinetti A. Alcohol mixed with energy drinks and arrhythmias. Drug Alcohol Depend. 2018 Apr 1;185:421-422.
  • Pase MP, Himali JJ, Beiser AS, Aparicio HJ, Satizabal CL, Vasan RS, Seshadri S, Jacques PF. Sugar- and Artificially Sweetened Beverages and the Risks of Incident Stroke and Dementia: A Prospective Cohort Study. Stroke. 2017 May;48(5):1139-1146.
  • Saritas A, Dikici S, Gunes H.Adverse effects of energy drinks. Am J Emerg Med. 2015 Mar;33(3):461-2.
  • American Heart Association (AHA) Sessions scientifiques 2018. Résumé Mo1189, présenté le 12 novembre 2018.
  • ESC Congress et European Heart Journal 2014-Abstract 401 Cardiac safety of so called “energy drinks”
  • http://www.santelog.com/news/cardiologie/risque-cardiaque-les-boissons-energisantes-a-nouveau-sur-la-sellette_12827_
  • http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/un-adolescent-succombe-a-une-surdose-de-cafeine-aux-etats-unis_1908793.html