L’obésité représente un véritable problème de santé dans les pays industrialisés. Ce phénomène, qu’on pourrait presque qualifier d’épidémie tant il se propage vite, est particulièrement inquiétant chez les plus jeunes. L’obésité infantile augmente également dans les pays en voie de développement.
Cette obésité entraînera des complications susceptibles de compromettre la santé a long terme de ces jeunes touchés. Le risque de persistance à l’âge adulte est de 50 %, et beaucoup plus si l’obésité survient après la puberté (50 à 70%)
Comme à l’habitude, nous subissons le même phénomène qu’aux Etats-Unis avec 10 à 15 ans de retard. La prévalence de l’obésité en France augmente depuis 40 ans et le processus tend à s’accélérer dans ses formes les plus graves. Cela touche surtout les jeunes : 18% des enfants et adolescent de 2 à 17 ans présentent un surpoids et 3,5% sont en début d’obésité en 2009.
Le nombre d’enfants obèses a doublé en 10 ans ! En l’espace d’une génération, le poids moyen d’un enfant de 10 ans a augmenté de 5 kilos !.
Deux causes majeures à cela :
- L’augmentation de la sédentarité
- La densité calorique de certains aliments « préparés »
L’excès de sédentarité est le résultat de l’arrivée dans l’univers des enfants de nouveaux loisirs tels que la télévision, l’ordinateur, les jeux électroniques dans un paysage urbain de plus en plus hostile.
L’excès calorique est dû en grande partie aux trésors d’imagination déployés par les services marketing des sociétés d’agro-alimentaire. L’alimentation évolue tous les jours : tous les nouveaux produits favoris des enfants sont enrichis en graisses et plus sucrés que les aliments traditionnels, pour un volume équivalent voire inférieur. Parallèlement, la part des fruits et des légumes décroît de façon sensible au fil des ans. Les enfants et leurs parents sont victimes de la publicité et, doublement, de la télévision.
Malgré les avertissements des scientifiques, bien souvent les personnes concernées ne se rendent pas compte de l’ampleur du phénomène qui s’étend depuis une dizaine d’années : le nombre d’enfants en surpoids, voire obèses, augmente de façon régulière sans que cela n’inquiète trop les parents.
L’étude ObEpi 2000 montrait déjà que la France comptait plus d’un million d’enfants obèses et 4,7 millions en surpoids.
La génétique n’est pas toujours en cause et il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer des familles où le père et la mère ont un poids normal et où les enfants sont en surpoids !
Comment en arrive-t-on là ?
Que vont devenir ces enfants arrivés à l’âge adulte ? Vont-ils être obèses, cardiaques, diabétiques ?
On peut se faire du souci pour eux et prévoir que demain, dans l’avenir, les consultations de diététique seront pleines !
Quelles en sont les causes principales ? On peut en énumérer quelques-unes :
- absence de petit déjeuner : comme on l’a vu, celui-ci est très important. 16 % des enfants partiraient à l’école sans manger ;
- repas déstructurés ;
- manque de variété, monotonie ;
- absence de fibres, de fruits, de crudités et de légumes cuits ;
- fast-food (et junk food !) ;
- démission des parents ;
- abondance des aliments cuisinés ;
- recherche de la facilité et du moindre effort (sédentarité);
- rôle de la publicité ;
- déséquilibre entre les différents sucres de la ration;
- la génétique.
Les repas déstructurés.
La déstructuration du repas entraîne le grignotage. Quand on a pris une entrée, une portion de légumes, un farineux ou du pain, une viande (ou un poisson), du fromage ou un laitage et un fruit, on n’a plus faim ! Et cet état persiste pendant plusieurs heures. Cela s’appelle la satiété. Quand on mange mal, vite et sans prendre de fibres, on voit apparaître la sensation de faim quelques heures plus tard. Les réfrigérateurs étant de nos jours bien remplis, et les parents souvent absents, les jeunes mangent ce qu’ils aiment, quand ils en ont envie, et ils n’ont plus faim quand arrive le repas familial. La consommation d’en – cas pris en moins de 10 minutes est appelée le “ snacking ” par les anglo-saxons. La contribution de ce snacking aux apports énergétiques quotidiens a augmenté de 30% en 20 ans du fait de la multiplication du nombre quotidien d’encas consommés plutôt que d’un changement dans leur composition énergétique(elle n’a augmenté que de 3%). L’habitude de ces en – cas prend une ampleur considérable depuis 20 ans – et tous âges confondus – car sa participation à la ration calorique journalière est passée de un cinquième au début des années 80 à un quart des calories en ce début de 21 éme siècle..
L’ennui est le motif le plus avoué des grignotages systématiques chez certains enfants. C’est fréquemment le cas chez les enfants présentant des obésités graves. Pour les psychanalystes, l’ennui profond témoigne de la difficulté d’être seul pour un sujet présentant une carence narcissique.
Le manque de variété.
Les enfants et les ados aiment ce qui est répétitif. Comme ils ont le choix, ils peuvent consommer certains aliments en abondance et faire l’impasse sur les autres. On voit des jeunes consommer uniquement de la pizza ou bien commander un plat identique dans le même fast-food à longueur de semaine plutôt que de manger à la cantine du collège ou du lycée. C’est une dérive à “ l’américaine ” qui s’installe chez nous et qui touche certains milieux pas toujours défavorisés.
L’absence de fibres et de cellulose.
On note presque toujours dans les interrogatoires alimentaires d’enfants en surpoids le manque de fruits, de légumes et de crudités. Ils disent “ je n’aime pas ” et ne font aucun effort pour en manger. Il faut dire qu’on n’impose plus aujourd’hui à un enfant de manger le plat familial comme il y a quelques décennies ; époque révolue où on ne gaspillait pas la nourriture et où, de toute façon, il n’y avait pas de choix. Une autre explication est aussi l’extraordinaire “ boom ”des produits laitiers en l’espace de vingt ans. Aujourd’hui, on n’a que l’embarras du choix devant les rayons des supermarchés, et cette consommation de laitages se fait au détriment de la consommation de fruits au dessert (et ne parlons pas de certains charlatans pseudo – nutritionnistes qui déconseillent les fruits au dessert !).
40% des enfants scolarisés ne reconnaissent pas une courgette d’une aubergine et ignorent le nom des salades. A quand la distribution de fruits dans les écoles et la création de kit pédagogiques avec des fiches explicatives pour connaître les légumes et leurs vertus ?
60% des enfants consomment moins de 3,5 portions de fruits et de légumes ( au lieu des 5 par jour préconisées)
Les fast-food.
On a parlé de “ néfaste food ”et l’évolution s’accélère après une stagnation du nombre des repas servis. La formule plaît aux jeunes car on peut manger vite, emporter le repas, se restaurer à toute heure du jour ou de la nuit, manger avec les doigts. Le constat est alarmant. Les aliments consommés sont gras, ne contiennent pas de fibres, et sont accompagnés de surcroît par des boissons sucrées. Ces aliments riches en lipides ont des propriétés gustatives agréables (c’est ce qu’on appelle la palatabilité) mais provoquent moins de satiété, ne coupent pas trop la faim : on peut en manger beaucoup sans que les “ signaux d’alarme ” ne se déclenchent.. Cela entraîne une augmentation du tissu adipeux. Les fast-food ont fait beaucoup d’efforts pour promouvoir des plats plus légers mais ceux-ci sont souvent consommés par des adultes sensibilisés à la diététique et peu par les ados (effet de groupe etc.)
La démission des parents ?
De nos jours, dans la plupart des familles, les deux parents ont une activité professionnelle, génératrice de stress et de fatigue. Ils sont peut-être moins souvent à la maison, moins disponibles pour leurs enfants. L’alimentation familiale en fait les frais, car le temps consacré au repas et à sa préparation est réduit. Témoin : le ballet incessant des cyclomoteurs des livreurs de pizzas “ américaines ” le soir dans les grandes villes ! Après une journée de travail et du temps perdu dans les transports, qui a envie d’entrer en conflit avec ses enfants ? Alors on prépare ou on commande un plat que tout le monde aime.
Les parents doivent apprendre aux enfants à réguler leurs prises alimentaires d’aliments type barres chocolatées, biscuits chocolatés, chips, biscuits apéritif, boissons sucrées. Il a été montré que la quantité consommée par l’enfant en surpoids est proportionnelle à la quantité offerte à la maison, d’autant plus qu’il s’agit d’aliments gras et sucrés ou gras et salés. Il apparaît que la disponibilité de ces aliments est l’élément – clé de la surconsommation.
Bien peu de parents tiennent à jour les courbes de poids et taille de leur enfant. Ces courbes se trouvent dans le carnet de santé et permettent de voir l’évolution du poids en fonction de la taille chez l’enfant. Il suffit de reporter tous les trois mois (ou après chaque visite médicale), les chiffres obtenus après passage sous la toise et sur la balance. On peut ainsi limiter les prises de poids intempestives en surveillant l’évolution pondérale de son enfant quand il est prédisposé.
La prise en charge diététique d’un enfant nécessite l’implication de toute la famille : s’il est le seul à changer son alimentation, il ne tiendra pas bien longtemps. Les adultes doivent donner le bon exemple et rechercher une alimentation plus proche des recommandations nutritionnelles.
Autre point essentiel : si la vie des enfants en surpoids devient plus intéressante, l’attraction du frigo et de la télé diminuera. Quand on interroge ces enfants sur leurs souhaits les plus chers, c’est passer plus de temps avec papa et maman qui revient le plus souvent !
L’abondance des plats préparés et aliments cuisinés.
Le marché de ces aliments se développe, car ils sont très appréciés par les familles surmenées. On trouve aujourd’hui une grande variété de plats préparés, mais ils sont souvent gras, riches en lipides (voir dans la rubrique composition des aliments à la fin du livre). Ces plats cuisinés, comme d’ailleurs les aliments reconstitués (nuggets, cordon bleu etc..) ont des propriétés gustatives agréables pour les enfants (palatabilité) mais ils provoquent moins de satiété. Tout dépendra de la répétitivité des consommations, car tous les aliments sont bons à condition de maintenir une certaine variété.
La recherche de la facilité et du moindre effort.
Cela va de pair avec la sédentarité croissante. C’est un trait de notre époque, on bouge de moins en moins. Dans certains états des États-Unis, un individu qui marche est abordé par la police, car ce comportement est perçu comme “ anormal ” et on propose de l’aide au marcheur ! Cela fait sourire, mais certains ne feraient pas cent mètres à pied pour aller faire leurs courses et porter leurs paquets. Dans le même esprit, la consommation de fruits baisse de façon régulière ; peut-être est-ce parce qu’il faut les peler ? On préfère les compotes (plus sucrées en général). Pour les légumes, les réticences sont les mêmes : il faut les laver, les éplucher, les faire cuire, laver les ustensiles de cuisine…
Le niveau d’activité physique est inversement proportionnel au pourcentage de masse grasse.
Une personne prend du poids parce qu’elle absorbe plus d’énergie par son alimentation qu’elle n’en dépense. Le surplus énergétique est stocké sous forme de lipides dans le tissu adipeux. Les enfants obèses mangent trop riche et sont plus sédentaires, moins mobiles. Il est nécessaire de les inciter à pratiquer une activité physique adaptée et personnalisée. La prise en charge nutritionnelle doit être toujours couplée à une augmentation de l’activité physique.
Le rôle de la publicité.
Il n’est pas négligeable dans les choix alimentaires des enfants. Les marchands d’espaces publicitaires le savent bien et ciblent les horaires où les enfants regardent leurs émissions préférées. Les messages sont persuasifs et séducteurs, et les enfants réclament les produits nouveaux, perçus comme très attirants. Des études françaises et américaines montrent une corrélation entre le temps passé devant la télévision et certaines habitudes alimentaires : plus on regarde la télé et plus on grignote, plus on consomme des produits valorisés par la publicité alimentaire ! On constate également que plus on regarde la télé, moins on pratique une activité physique, et plus les risques de surpoids et d’obésité sont grands. Jusqu’à l’âge de 11 ans environ, l’enfant n’a pas développé son esprit critique et prend les messages publicitaires au premier degré ; il se révèle donc très fragile. Chez les ados, l’intérêt est plus mitigé face à la publicité télévisée alimentaire, mais ils apprécient l’humour, les images attrayantes et la musique, ce qui contribue à une mémorisation des marques et influence l’envie et l’achat des produits vus sur le petit écran. Les produits les plus intéressants sur le plan nutritionnel comme les fruits, les légumes, les farineux sont moins valorisés dans les publicités alimentaires qui concernent surtout les produits sucrés de grignotage(bonbons, chocolats, biscuits, boissons, produits laitiers sucrés).
On attend avec impatience de voir l’impact des campagnes de prévention nutritionnelle du PNNS (Programme National Nutrition Santé) dans les médias. Toute la difficulté des messages nutritionnels est qu’ils ne sont entendus que par des gens sensibilisés à la nutrition et pas forcement par ceux qui en auraient le plus besoin !
Le déséquilibre entre les différents sucres de la ration.
Comme on l’a, une ration équilibrée doit apporter 50 à 55 % de glucides. Parmi ces glucides, on fait la distinction entre les sucres simples (mono et dissaccharides) et les sucres complexes. La ration d’un enfant doit comporter environ 40 % de glucides complexes (d’absorption lente) et 15 % de glucides simples (d’absorption rapide). En pratique, on s’aperçoit de la modification de ce rapport sucres simples/sucres complexes avec une baisse des sucres lents à 20 % et une augmentation des sucres rapides à 25 % au minimum de la ration calorique. L’exemple type est la consommation de corn-flakes qui se fait, hélas, au détriment de la consommation de pain : quand on compare sur les boîtes la composition des différents produits de la gamme, on peut penser qu’ils sont tous équivalents ; en fait, la part des sucres rapides est élevée pour la plupart d’entre eux, et ils sont consommés avec du lait qui en apporte aussi.
La génétique.
L’influence des facteurs génétiques est aujourd’hui établie, même si cette obésité est pluri-factorielle. On ne sait pas très bien qu’elle est la part du terrain génétique à ce jour, bien que de nombreuses études travaillent sur la génétique de l’obésité. Cette dernière ne peut se réduire à la seule génétique, les interactions avec l’environnement (notamment la nutrition) semblant plus importantes.
La présence d’un adulte obèse dans un foyer multiplie par 4 à 5 le risque pour un enfant d’être obèse.
La manière de se nourrir en ce début du 21 éme siècle n’a plus grand chose à voir avec celle d’il y a cinquante ans. La proportion des différents nutriments dans la ration journalière a changé. Nous sommes devenus des consommateurs et nous ingérons de plus en plus d’aliments manufacturés à densité énergétique élevée (nombre de calories par unité de poids).
Les enfants obèses sont souvent l’objet d’une stigmatisation qui fonctionne sous la forme d’un véritable “ cercle vicieux ” : plus l’enfant est exclu, en butte aux railleries des autres, et plus il se sent dévalorisé et apporte des comportements alimentaires compensatoires. Ce phénomène qui existe chez l’adulte obèse est encore plus important, plus exacerbé chez l’enfant ou l’adolescent.
Toute perte de poids, ou tout blocage de la prise pondérale chez l’enfant ou l’adolescent, les transforme, les revalorise de manière spectaculaire. L’enfant reprend confiance en lui, devient plus gai, plus heureux. Il faut pour cela que le contact soit bon avec le thérapeute, que le traitement
fourni ne soit pas autoritaire et qu’il soit accepté par l’enfant. Il faut également former les parents car le contexte familial dans lequel l’enfant évolue constitue la clé du succès.
L’objectif à viser n’est pas le retour en arrière mais un apprentissage de l’équilibre et du bien-être. La santé n’est pas un dû, c’est un bien fragile et l’obésité n’est pas une malédiction contre laquelle on ne peut rien. Les enfants sont aptes à comprendre l’intérêt de se prendre en charge, et, la croissance aidant, pour peu qu’ils bénéficient d’un suivi correct et du soutien de leurs parents, les choses peuvent se réguler en quelques mois ou quelques années.
Tout un travail d’éducation nutritionnelle est à faire. La diététique est une pédagogie comme une autre, une pédagogie participative. Il faut apprendre aux enfants le goût des aliments, la recherche de la qualité, la pertinence de certains modèles alimentaires traditionnels et leur faire comprendre que la santé est un bien précieux et parfois fragile, qu’il faut savoir préserver. Il faut sortir de la caricature qui fait rimer diététique et austérité, on ne donne plus aujourd’hui des listes interminables et ridicules d’aliments permis et interdits, mais des conseils alimentaires personnalisés. Les messages doivent être simples et progressifs. Le premier objectif est souvent la stabilisation pondérale : grandir sans grossir, c’est mincir.
La prise en charge de l’enfant en surpoids doit avoir la forme d’un apprentissage individuel. Elle ne doit pas être banalisée et doit rester une priorité.
Un bon équilibre alimentaire dès l’enfance permettrait d’éviter plus tard à l’adulte d’avoir recours à des régimes épisodiques, plus ou moins bien conçus et voués à l’échec à court terme.