88 bis avenue Charles de Gaulle 92 200 Neuilly-sur-Seine

Diarrhée du marathonien

Cet article peut prêter à sourire mais c’est un sujet qui mérite d’être traité car le problème se pose assez souvent chez les coureurs de fond et quand cela arrive, cela est très gênant. Des douleurs au ventre, puis une soudaine envie de déféquer du liquide….Le sportif se retrouve coincé face à un choix cornélien : s’arrêter ou terminer les cuisses maculées !

Beaucoup de coureurs sont victimes de ce que les anglo-saxons appellent la “runner’s trot” ou « diarrhée du coureur ». Ce type de désagrément s’avère loin d’être exceptionnel et peut atteindre jusqu’à 40% des coureurs. 15 à 20 % des abandons  dans une course longue ont pour origine des problèmes digestifs avec diarrhée. Autant de situations que l’on souhaite éviter à tout prix! Pour mieux comprendre le phénomène des troubles digestifs, il est d’abord important de bien comprendre leurs causes. Si certains facteurs sont hors de notre contrôle, d’autres s’avèrent toutefois largement influencés par nos habitudes alimentaires pré-course et à l’effort. Voici donc un petit survol des causes pouvant expliquer l’apparition des troubles digestifs de nature diarrhéique, ainsi que quelques pistes de solutions pour vous aider à les maîtriser.

 

Quelles sont les causes? Comment l’éviter au cours d’un marathon  ou d’un trail ?

 

A l’effort, la quantité de sang propulsée par notre coeur en une minute augmente considérablement. Ce débit cardiaque peut passer de 5 litres/min au repos à 25 litres en plein effort ! Mais cela ne suffit pas toujours pour alimenter les forts besoins du muscle.

Les organes étant branchés aux vaisseaux sanguins en parallèle ou dérivation, une redistribution du sang adapté à l’effort s’avère possible. C’est ainsi que davantage de sang est délivré aux muscles, au cœur et à la peau, au détriment d’autres organes et parmi eux, le tube digestif ! En effet, le débit sanguin qui lui est alloué peut alors baisser jusqu’à environ 80 % lors d’un effort intense. En quelque sorte, le robinet alimentant le tube digestif est quasi fermé. C’est comme dans une cuisine si le lave-vaisselle et le lave-linge fonctionnent en même temps, il y aura moins de pression au robinet de l’évier !

Cette captation vasculaire prive alors les cellules intestinales de dioxygène. Les scientifiques parlent d‘ischémie mésentérique (sorte d’épisode d’asphyxie : le sang se retire de l’intestin). Dans certains cas, on pourrait même carrément parler de véritables infarctus du tube digestif, c’est à dire d’une interruption plus ou moins longue de la circulation sanguine provoquant un arrêt de l’approvisionnement en oxygène des organes. Inutile de mentionner que cette “asphyxie ” altère le fonctionnement du tube digestif qui peine alors à digérer les aliments ou boissons que se doit d’ingurgiter le marathonien durant l’effort.

Les boissons de l’effort ne sont jamais dangereuses mais peuvent être la cause de problèmes intestinaux si on ne respecte pas certaines règles au niveau de la concentration. Trop concentrées, elles mettront longtemps a être absorbées par l’intestin, les sucres ne seront pas disponibles rapidement, la vidange de l’estomac étant perturbée et le sportif en plein effort aura l’impression « de ne pas digérer ».Trop diluées, elles n’apporteront pas assez d’énergie. Il faut se méfier de boissons trop concentrées prises de façon isolée dans l’heure précédant l’entraînement ou la compétition. Elles peuvent, ajoutées au stress, déclencher des hypoglycémies réactionnelles et parfois des troubles digestifs. Certaines boissons ont une tolérance médiocre surtout pour les versions fruitées avec une osmolarité (600 mOsm/l). On conseille moins de 400 mOsm/l.

Concrètement, beaucoup de coureurs occasionnels rêvent de faire un marathon, ce dernier constituant un challenge et une sorte de défi. Pour cela ils s’entraînent, courant 10 Km 3 fois par semaine, souvent avec des amis qui eux aussi veulent relever le défi! Courir plus de 40 Km sur de l’asphalte n’est pas pareil et vous ne savez pas comment vont réagir vos intestins lorsque vous allez affronter l’épreuve le jour J! Quand ces troubles digestifs arrivent lors de courses longues, on pourrait parler d’incontinence anale en plein effort avec ce relâchement si caractéristique des sphincters. Les muscles circulaires existant autour de l’anus peuvent s’ouvrir pour laisser passer les selles. Et au cours du marathon, l’appareil digestif (qui mesure 8 m de long) prend des chocs non négligeables du fait du manque d’amortisseurs. Oui ! Des centaines de chocs tout au long de la course!

 

Des chocs à répétition sur le gros intestin

Les ondes de choc répétées, en raison du martèlement des pieds sur le sol, entraînent des vibrations au niveau des viscères, ce qui peut occasionner certains dommages à la paroi intestinale. Ce phénomène pourrait augmenter la prévalence de la diarrhée, parfois provoquer des saignements digestifs et des envies urgentes. Cette condition tend également à s’amplifier à mesure que la distance parcourue augmente.

Au cours d’un marathon, le tube digestif qui est relativement mobile dans la cavité abdominale, se voit infliger des chocs à répétition lié aux chocs répétés du pied sur le sol. Après l’intestin grêle et l’angle iléo-caecal, le caecum (colon ascendant) subit notamment des chocs à répétition à chaque foulée. Ce mouvement a été décrit pour la première fois en 1982 sous le nom de “coecal slap syndrom “en français « gifle du bas fond caecal ». Lors de son record du monde Hailé Gébrésélassié a effectué 21638 foulées. Cela fait près de 22000 « gifles » infligées au caecum. Chez des coureurs à la foulée moins longue que l’éthiopien (qui mesure 1m95), on peut facilement multiplier par 2 le nombre de chocs sur le sol. Le colon ascendant (ou caecum) est le siège de la réabsorption de l’eau provenant de la boisson et des aliments eux-mêmes, le colon étant situé à la fin de l’appareil digestif et il est chargé de terminer la digestion de tout ce qui n’a pas été digéré plus haut. La digestion colique n’est pas comme en amont mécanique, chimique ou enzymatique: elle est presque uniquement bactérienne et le colon se comporte un peu comme une fosse septique. On comprend que la multiplicité des chocs puisse créer quelques perturbations sur ce mécanisme bien rodé!..

 

 

Les 10 commandements pour éviter diarrhées et autres désagréments peu glorieux

 

1 – Se préparer en avance, demander conseil à un nutritionniste du sport est une bonne initiative. Suivre un régime pauvre en fibres dans les 3 jours qui précèdent l’épreuve : la veille et l’avant-veille de l’épreuve, essayez de privilégier les aliments riches en glucides comme les pâtes, le riz, la semoule, le blé, les pommes de terre.. Cela tombe bien car le stock de glycogène doit être optimal !

 

2 – Le dernier repas avant l’épreuve sera à base de féculents sans trop de lipides (graisses), sans fibres, sans caféine aussi. Le café favorise l’ouverture du cardia (sphincter situé en haut de l’estomac) et peut accentuer des problèmes de reflux gastro-oesophagien. Il favorise aussi la motricité intestinale.

 

3 – Ne plus prendre de repas dans les 3 heures qui précèdent l’épreuve (courir avec le tube digestif vide reste l’une des meilleures solutions)

 

4 – Pendant les deux heures qui suivent le dernier repas, il est possible de prendre éventuellement en collation des barres énergétiques à base de céréales ou des biscuits secs type Petit-beurre, Thé de LU ou Petit Brun extra. C’est ce que l’on appelle la ration d’attente. En boisson, le jus de pomme est une bonne alternative du fait de sa composition en différents sucres. Evitez ensuite de prendre quoi que ce soit au cours de la dernière heure, dans le sas d’attente !

 

5 – Etre progressif en début de course de façon à réorganiser la distribution sanguine sans priver trop soudainement les tissus de dioxygène et leur infliger des “claques violentes à répétition “;

 

6- Penser à boire toutes les 15 à 20 minutes et ceci dès l’échauffement par petite gorgées de 100 millilitres. Attention à ne pas prendre de retard sur les pertes hydriques ce qui vous obligerait à boire de grandes quantités de liquide en une seule fois;

 

7 – Evitez les boissons trop riches en sucres et en magnésium. Les boissons énergétiques ne doivent pas dépasser 2,5 grammes de glucides pour 100 ml (car l’excès de sucre freine la vidange gastrique), et être pauvres en magnésium (ce dernier pouvant donner la diarrhée). En quantité, ne pas dépasser 2 à 3 bouches pleines toutes les 20 minutes;

 

8 – Evitez les boissons trop fraîches (température inférieure à 5 °C). Cela peut provoquer un spasme du pylore (orifice de la partie inférieure de l’estomac par lequel sont évacués les aliments vers l’intestin). Cette fermeture et mauvaise vidange de l’estomac peut entraîner nausées et vomissements ;

 

9 – S’entraîner correctement! S’entraîner permet de bien vasculariser, d’améliorer le réseau de capillaires de 20 à 40%, d’augmenter la capacité d’extraction de l’oxygène, le taux d’hémoglobine et le volume sanguin total bref, de mieux oxygéner les organes, y compris le tube digestif.

 

10- Eviter de soulager les douleurs en prenant des antalgiques comme l’aspirine ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Un soulagement temporaire peut s’accompagner de complications telles que l’ulcère ou une inflammation du colon. La prise d’un pansement digestif (comme le Smecta) la veille de l’épreuve peut éventuellement limiter les risques de diarrhées et douleurs abdominales.

à la fin de la course: se réhydrater!

Il existe en pharmacie des solutés de réhydratation oraux destinés initialement aux nourrissons mais qui peuvent être utiles pour le sportif dans le processus de récupération après un effort long ou très long. Ces produits ont une osmolarité  faible et apportent du sodium :

  • ADIARIL
  • FANOLYTE
  • PICOLITE
  • REGIDRAT
  • HYDROVIT

·        Adiaril (Nutricia) se présente sous forme de boites de 10 sachets de 7 g. Ingrédients : Glucose, saccharose, gluconate de potassium, citrate de sodium, chlorure de sodium. Les glucides représentent 5,1g de sucre par sachet. La teneur en sel est de 0,7 g par sachet. On peut conseiller pour un adulte 2 sachets dans 500 ml d’eau.

 

·        Fanolyte (Bioprojet pharma) est un produit équivalent. La boite contient 10 sachets-dose de 4,5 g. On y trouve glucose (3 g par sachet), chlorure de Na (276 mg, potassium, citrate tripotassique et acide citrique. On pourra conseiller 4 sachets dans 500 ml d’eau.

·        Picolite (Lab Picot) se présente en boite de 10 sachets-dose de 20 g. La composition pour 100 g est la suivante : glucides 89.8 g (dont saccharose 20 g, maltodextrine 69.8 g), sodium 1370 mg, potassium 890 mg, citrate 1750 mg, chlorure 2181 mg. Osmolarité : 233 mOsm/l de solution prête à l’emploi. Le produit contient des maltodextrines, saccharose, chlorure de sodium, citrate de potassium, acide citrique. On peut conseiller un sachet dans 500 ml d’eau.

 

·        Regidrat  (Laboratoire Aditec) est essentiellement composé de minéraux (bicarbonate de Na, chlorure de Na, chlorure de K), de sucres (dextrose, lactose) et de vitamines du groupe B. Le produit  se présente en étuis de 10 sachets de 3 g. Il est destiné à compenser les pertes en sodium (Na) et Potassium (K) à des concentrations adaptées. 4 sachets dans 500 ml d’eau pour un adulte. Chaque sachet apporte 295 mg de sodium, 113 mg de potassium, 453 mg de bicarbonate. Le produit contient très peu de sucres.

 

·        Hydrovit  (Laboratoire Pharma développement) est une solution de réhydratation orale prête à l’emploi sous forme de bouteilles de 450 ml. Elle se compose de glucides (2,5 g/100 ml et 11,3 g par bouteille), de sodium (103,6 mg/100 ml et 466 mg par bouteille), de potassium (78 mg/100 ml), de chlorures (124,4 mg/100 ml) et de citrates (307mg/100 ml). Cette solution est disponible sous 2 saveurs goût nature ou goût pêche. Elle doit être conservée, avant ouverture, dans un endroit frais et sec puis, après ouverture, au réfrigérateur et consommée dans les 48 heures. Bouteille de 450 ml. Une bouteille dans les heures qui suivent l’effort.

Je terminerai ce paragraphe sur le Coca-cola qui est un très bon réhydratant car il contient du gluconate de potassium et qui apporte 120 g de sucre par litre, ce qui peut être utile quand il s’agit de reconstituer son stock de glycogène après un effort long. Le Coca contient de l’acide phosphorique et ce dernier est très agressif sur une muqueuse un peu irritée après le long effort et l’ischémie digestive citée plus haut. A utiliser donc avec modération selon le coureur et sa tolérance personnelle.

 

Bibiographie :

 

 

·       Jean-Paul Blanc « diététique du sportif : que manger pour être performant » Editions Amphora 2007

·       Jérôme Watelet “Quatres histoires de merde” Sport et vie n°115 page 30-34

·       Jack H.Wilmore, David L.Costill,W.Larry Kenney; Physiologie du Sport et de l’exercice. De Boeck 2009

.       JP Blanc ” Les différents produits diététiques pour sportifs” DU de Nutrition et Activités physiques et sportive 2016. Université PARIS V René-Descartes, UFR STAPS Master 2

 

 

·