88 bis avenue Charles de Gaulle 92 200 Neuilly-sur-Seine

Les résidus de pesticides dans les aliments : danger pour la santé ?

brouillard sur les pesticides

C’était le titre d’un éditorial de la presse quotidienne en Septembre 2019*. Alors que le ministre de l’Agriculture a nombre de savants et scientifiques de haut niveau comme conseillers, le gouvernement va ouvre une consultation publique sur les épandages de produits phytosanitaires! On va demander un avis à des gens qui n’y connaissent rien..De quoi alimenter les peurs. Forcément, les gens les mouvements écologiques les plus extrêmes seront présents et vontexiger une proscription rapide des produits phytosanitaires. De l’autre côté, les agriculteurs qui défendent un usage raisonné de ces substances chimiques indispensables à leur yeux pour défendre la compétitivité des exploitations. Les uns mettent en avant le principe de précaution, les autres, l’absence de preuves irréfutables sur la nocivité des produits.

Entre ces 2 pôles, on assiste à un jeu de rôles: des collectivités locales prennent des arrêtés anti-pesticides (d’une valeur symbolique car les élus locaux n’ont pas la compétence juridique pour les prendre), le gouvernement maintient l’autorisation des produits, fixe des distances minimales à respecter entre les habitations et les zones d’épandages mais propose une consultation publique sur le sujet! Beaucoup de communication et peu de réflexion..Des pans entiers de notre économie se sont écroulés au fil des dernières décennies et l’agriculture française reste une des meilleures d’Europe, faut-il la tuer. Aujourd’hui les agriculteurs passent pour des pollueurs alors que leur situation n’est pas brillante. L’objectif du gouvernement et du ministre sera d’améliorer le dialogue entre cette profession, les riverains et les élus locaux.

Résidus de pesticides dans les aliments

En ces temps où 100% des médias véhiculent à longueur de journée des informations anxiogènes et où la parole des scientifiques et des spécialistes est remise en cause, l’information nutritionnelle a du mal à se faire entendre dans la cacophonie ambiante. Chacun y va de son couplet et avec les réseaux sociaux les “fake news” abondent et se transmettent à la vitesse d’un clic d’ordinateur.. Ces dernières années, la polémique sur la présence de pesticides dans nos aliments enfle de façon régulière et participe à la croissance du « bio ».

Les pesticides sont des produits phytosanitaires ou pharmaceutiques qui sont utilisés pour protéger les cultures de différents parasites ou maladies (champignons, insectes divers, rongeurs..). Ces produits contiennent une ou plusieurs substances actives (soit de synthèse, soit naturelles comme des bactéries ou des virus) qui leur permettent de remplir leur fonction et d’être efficaces. Les résidus retrouvés parfois dans l’alimentation sont les reliquats de ces substances actives ainsi que les résidus de leur dégradation. Le plus souvent, les doses retrouvées sont infimes mais, ajoutées à d’autres doses infimes, le problème de dangerosité n’est pas exclu.. Le consommateur, inquiet car on lui raconte des horreurs à longueur de journée, peut se poser des questions: que faut-il manger?, peut-on faire confiance à la nourriture que nous achetons? Quid de la sécurité alimentaire?. Nous autres nutritionnistes, nous le disons haut et fort: jamais dans l’histoire de l’humanité nous n’avons mangé aussi bien, aussi sain! Même si on peut améliorer encore certaines choses et faire de l’éducation nutritionnelle auprès des enfants, les progrès sont nets! Et pourtant, le consommateur pense que les choses se sont dégradées, qu’on lui ment et que les industriels et les paysans veulent l’empoisonner..

Encadrement législatif

L’utilisation de ces substances actives est très encadrée par les agences sanitaires au niveau national (ANSES pour la France et EFSA au niveau européen) ; chaque substance est soumise à une évaluation scientifique et doit être approuvée par la commission européenne. Les pays membres évaluent et autorisent les produits avant leur mise sur le marché.

Risques pour la santé

Les produits phytosanitaires, comme les médicaments, sont soumis à des AMM, autorisations de mise sur le marché pour évaluer les risques et les dangers de ces traitements chimiques pour l’opérateur (le paysan qui les utilise), pour le consommateur  qui à la fin du cycle mange le produit et pour l’environnement. De même, on va contrôler l’efficacité biologique du produit et l’absence d’effets néfastes pour la plante qui est traitée. L’AMM doit préciser pour quel usage le produit est utilisé, les doses à utiliser, les périodes d’utilisation, les fréquences de traitement, les mesures de protection de l’utilisateur, les délais à respecter avant récolte etc.. Le tout est extrêmement encadré, à une époque où on souhaite s’approcher du risque zéro. Quand une AMM est délivrée, c’est en général pour une durée limitée à 10 ans maximum. Cette AMM peut être renouvelée et le délai de 10 ans peut être écourté en cas de doute sur un produit, en fonction de nouvelles données scientifiques.

La polémique actuelle sur le glyphosate (herbicide le plus utilisé en Europe) et le principe de précaution remplit les journaux avec l’absence de décisions claires face à des lobbies déterminés : les fabricants et producteurs de pesticides, les agriculteurs et céréaliers, les ONG qui prétendent représenter l’opinion publique mais qui parfois représentent l’hostilité contre l’industrie et la science. Pour complique le tout, dans le cas du glyphosate, le CIRC (centre international de recherche sur le cancer), organe de l’OMS, l’a classé « cancérogène probable » en 2015, contrairement aux agences européennes ! Tout n’est pas blanc ou noir !

Le glyphosate est la molécule active du Roundup commercialisé par Monsanto depuis 1974. Il s’en est vendu 8800 tonnes en 2017 en France (contre 9500 en 2014). Son utilisation en agriculture ne se pratique qu’après récolte ou avant un semis. Les grandes agences de sécurité sanitaire (l’ANSES en France, l’EFSA pour l’Europe et l’EPA pour les Etats-Unis) ont affirmé que “correctement utilisé”, le glyphosate ne présentait pas de risque et que les preuves de génotoxicité (capacité à abimer l’ADN dans la cellule) et en 2016, le comité commun à l’OMS et à la FAO a estimé improbable que le glyphosate pose un risque cancérogène pour les humains. Depuis, les “pro” et les “anti” se déchirent et les réseaux sociaux s’enflamment! La bataille n’est pas dénuée d’idéologie, certains peut-être ont tendance à minimiser les risques quand les autres font leur commerce d’un classement des cancérogènes probables et dénigrent le travail des autres scientifiques et des autres agences.

En 2017, une vaste étude de cohorte menée sur 54.000 agriculteurs pendant 20 ans (AHS, Agricultural Health Study) n’a pas constaté d’associations entre l’herbicide et les cancers, y compris les lymphomes non hodgkiniens (LNH) mais en 2019, un étude américaine (publiée en Février dans “Mutation Research”) a relancé la polémique en affirmant que les personnes les plus exposées au glyphosate auraient un risque accru de 41% de développer un LNH. En France, l’incidence de ce LNH (lymphome non hodgkinien) est de 0,013%. Encore une fois, on peut dire que c’est la dose qui fait le poison.

Pour limiter les risques pour la santé, il est nécessaire de respecter les bonnes pratiques de l’agriculture et les limites maximales résiduelles fixées par les règlements (LMR). Ces LMR légalement admises sont élaborées et fixées pour chaque substance. Elles sont établies en se basant sur le plus bas niveau nécessaire pour protéger efficacement les végétaux tout en garantissant au consommateur l’exposition la plus faible possible, sur la base des DJA (dose journalière admissible). La DJA est la quantité qui peut être quotidiennement ingérée pendant toute une vie sans effet néfaste pour la santé !

Les contrôles

La répression des fraudes (DGCCRF) organise chaque année des plans de surveillance et des contrôles ciblés pour s’assurer du respect par les agriculteurs des LMR. Le programme de surveillance européen analyse chaque année plus de 75000 échantillons alimentaires afin d’y détecter la présence éventuelle de plus de 600 pesticides différents ! Le taux de non-conformité lors de contrôles a beaucoup diminué en l’espace de 4 ans. Au niveau européen, l’ensemble des contrôles montrait que 97% des échantillons analysés se situaient dans les limites légales et 53% des contrôles ne contenaient de résidus de pesticides. Les choses progressent..En France, le plan Ecophyto vise d’ici 2025, une diminution de 50% de l’emploi de pesticides et la prise de conscience progresse dans la population.

La consommation de végétaux

Nous autres, diététiciens et professionnels de santé, combattons pour augmenter la consommation de légumes, de fruits, de légumineuses, de céréales complètes, consommation moyenne qui est encore insuffisante. L’ANSES, agence française de sécurité sanitaire des aliments, estime que les bénéfices nutritionnels apportés par ces aliments sont supérieurs aux risques qui pourraient être liés à la présence de résidus de pesticides, notamment dans la prévention des risques de maladies chroniques comme les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l’obésité, certains cancers notamment celui du colon.

L’agence préconise de consommer au moins 2 fruits par jour et d’augmenter consommation de légumes, de légumineuses et céréales complètes. Beaucoup de nos concitoyens n’en consomment pas assez, on le voit tous les jours en consultation.

Règles de base avant de consommer légumes et fruits

  • Laver et brosser les légumes et les fruits fait disparaître les résidus de pesticides. Le fait d’éplucher un fruit permet aussi d’éviter d’ingérer un produit chimique résiduel. Eviter de manger la peau d’un fruit sans l’avoir préalablement lavé.
  • La cuisson du légume permet aussi l’élimination d’un risque éventuel.
  • Privilégier les produits bio quand cela est possible!

Sources:

  • www.observatoire-pesticides.fr
  • évaluation des substances actives entrant dans la composition des produits. www.anses.fr
  • www.nutripro.nestle.fr/pesticides
  • www.efsa.europa.eu/ pesticides
  • DGCCRF 2017 contrôle sur les résidus de pesticides dans les aliments d’origine végétale
  • rapport EFSA 2015: Les résidus de pesticides dans les aliments
  • plan ecophyto 2 . Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
  • PNNS Programme national nutrition santé: actualisation des repères de consommation alimentaire, ANSES 2016
  • Hebdomaire “Le Point” 2441. 13 Juin 2019: ” Comment le glyphosate intoxique les débats”
  • “Le grand livre de notre alimentation” Editions Odile Jacob, travail de 25 experts de l’Académie d’Agriculture de France. Septembre 2019
  • La Croix, Mercredi 11 Septembre 2019. Editorial de Guillaume Goubert