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INTERET DES BACTERIES PROBIOTIQUES

Le développement des probiotiques, aussi bien dans certains produits lactés que sous forme de compléments alimentaires, ne cesse de croître. Beaucoup de données restent encore à acquérir sur le choix des souches, leurs conditions d’action et les mécanismes par lesquels ils sont opérants mais la recherche progresse et les études se multiplient sur la flore intestinale et sur son rôle précis. Les propriétés des probiotiques ne peuvent pas être considérées en dehors de la flore intestinale. La définition qui a été donnée des probiotiques est la suivante :

« micro-organismes vivants (bactéries, levures) qui, ingérés en quantités suffisantes, ont des effets bénéfiques sur la santé de l’hôte en améliorant l ‘équilibre de sa flore intestinale » ( Fuller 1989). Cette définition a été reprise par la FAO en 2001.

Notre appareil digestif représente une sacrée longueur : 8 m environ entre la bouche et l’anus. La digestion dans l’estomac est mécanique, chimique principalement. Elle est enzymatique dans l’intestin grêle et uniquement bactérienne dans le colon. La paroi de l’intestin est bordée de villosités, elles-mêmes formées de microvillosités etc. On a ainsi dans l’intestin des kilomètres de vaisseaux sanguins par lesquels vont se faire les absorptions. Le principal contact de l’extérieur avec le sang va se faire au niveau de l’intestin! Une porte d’entrée potentielle des virus, par exemple, est la voie digestive. Le système immunitaire intestinal va se révéler une véritable barrière anti-infectieuse.

Le corps humain fait face tous les jours à des millions de micro-organismes, bactéries, virus, ou autre. S’il ne disposait d’aucun défense, ces microorganismes auraient vite colonisé et parasité l’organisme, rendant sa survie impossible.

Des millions d’années d’évolution ont permis d’élaborer un système complexe d’autodéfense et de protection. En premier lieu, la peau elle même est un barrage à la prolifération bactérienne, mais il en est de même pour la muqueuse intestinale…Tous deux représentent une barrière physique non spécifique. Or cette barrière a ses limites: la peau peut -être ébréchée et permettre ainsi l’introduction de micro-organismes. C’est à ce niveau qu’intervient le système immunitaire.

l’ écosystème de la flore intestinale :

100.000 Milliards de bactéries colonisent les intestins (soit 10 fois plus que le nombre de nos cellules humaines), réparties en 500 espèces de bactéries minimum, les unes bénéfiques, les autres nocives parfois. 95% des bactéries sont concentrées dans le colon. 1,5 Kg: c’est ce que pèsent nos bactéries!, soit le poids moyen d’un cerveau adulte. Ce qu’on appelle la flore« résidente » est essentiellement située dans les parties terminales de l’intestin grêle et dans le colon. Cela représente environ cent mille milliards de bactéries! Ces bactéries qui colonisent notre intestin ne vivent pas dans le chaos mais selon un équilibre propre à chaque espèce animale, même s’il existe des differences selon les individus. Chaque individu héberge une flore unique, on parle « d’écosystème bactérien ». Les bactéries sont de diffèrents types : lactobacillus, bifidobactéries, clostridium, eubacterium, streptococcus..

L’équilibre de la flore se caractérise par la notion de flore dominante active et de flore sous-dominante non-active.

La flore dominante est constituée par des bactéries dont le nombre est le plus important (soit à partir de 106/g de contenu intestinal. En dessous de ce seuil, les bactéries appartiennent à la flore sous-dominante et n’exercent aucun effet (bon ou mauvais) car leur nombre est trop faible. On peut ainsi être porteur sain de bactéries dangereuses tant qu’elles restent en sous-dominance. On voit ainsi l’intérêt de maintenir une flore dominante active et protectrice. Chez l’homme adulte, cet équilibre est relativement stable et ne varie pas d’un jour à l’autre, dans le cas d’une vie normale et saine.

Il suffirait en effet que l’équilibre soit  rompu pour voir ces bactéries dangereuses apparaître en flore dominante et amener désordres et pathologies parfois graves.

Chez le nourrisson, à la naissance, le tube digestif est stérile mais dès les premières 48h de vie, certaines bactéries colonisent celui-ci et leur nombre atteint très vite un chiffre proche de celui de l’adulte (1011 bactérie/g). Cette flore de bébé est peu diversifiée et ne contient qu’une douzaine d’espèces différentes contre 300 à 400 chez l’homme. Elle se diversifiera progressivement avec l’introduction de nouveaux aliments au fur et à mesure et c’est vers l’âge de 2 ans que sa flore bactérienne ressemblera à celle de l’adulte. Les bifidobactéries constituent 95% de la flore des nouveaux nés et 25% de la flore des adultes en bonne santé.

Il est à noter que le type d’alimentation chez le nourrisson influence la constitution de la flore intestinale : selon s’il a du lait maternel ou du lait infantile, on trouve une prédominance de bifidobactéries (sujets nourris au sein) ou une flore hétérogène (lait infantile). Ces résultats ont permis de formuler l’hypothèse selon laquelle la présence massive des bifidobactéries et lactobacilles dans la flore intestinale offre au jeune enfant une meilleure protection contre les infections gastro-intestinales. Plusieurs études cliniques contrôlées ont montré que l’administration de certains probiotiques diminuait la durée des diarrhées infectieuses.

Chez l’adulte, la flore intestinale représente une population de 1014 micro-organismes soit 400 espèces de bactéries différentes qui vivent en symbiose dans des conditions idéales chez le sujet en bonne santé.

Chez le sujet âgé, l’équilibre bactérien semble se modifier et les bifidobactéries semblent disparaître de la flore dominante. Ces changements peuvent provenir  de modifications alimentaires mais aussi du déclin de certaines fonctions digestives et immunitaires sans qu’on sache s’il s’agit de cause ou de conséquence de la modification de la flore.

 

les fonctions principales des probiotiques :

Restaurer une microflore intestinale normale :

Parmi les 3 fonctions les plus importantes des bactéries probiotiques, la première est ce qu’on appelle « l’effet de barrière », qui constitue une stratégie très efficace contre la colonisation du tube digestif par des bactéries étrangères, qu’elles soient inoffensives ou bien dangereuses. Cette fonction protectrice permet également le maintien de l’équilibre de la flore intestinale. Après une antibiothérapie, il sera nécessaire de rétablir celle-ci).

Optimiser les fonctions immunitaires intestinales:

La seconde fonction participe également à notre protection : il a été démontré que la présence de la flore avait un impact considérable sur la stimulation de nos fonctions immunitaires. 80% des cellules du système immunitaire sont déployées le long de l’intestin !

Les probiotiques permettent de multiplier les cellules macrophages au niveau intestinal.

Protéger l’épithélium:

La troisième fonction protectrice est due à la présence de nombreux enzymes et substances fabriquées par les bactéries, métabolites bactériens. La flore va agir sur de nombreux paramètres physiologiques, sur la vitesse de renouvellement des cellules de l’épithélium colique, évitant le développement de cellules cancéreuses, diminuant le temps de contact avec des substances potentiellement dangereuses (nitrosamines* etc..) et produits toxiques.

 

Toutes ces fonctions sont dues non pas à une seule bactérie mais à l’ensemble des bactéries constituant la flore dominante. Il est important de maintenir son équilibre car plusieurs facteurs peuvent agir sur cet écosystème microbien : prise d’antibiotiques, alimentation déséquilibrée, stress de la vie quotidienne, modification du transit (constipation ou prise de produits laxatifs), maladie. Les conséquences des perturbations de l’écosystème digestif peuvent se résumer à court terme par des désordres intestinaux, un mal être, de la fatigue et peuvent à long terme engendrer des pathologies plus graves : maladies inflammatoires du tube digestif, cancers du colon. Il est donc important de pouvoir pallier à toutes les insuffisances fonctionnelles de la flore digestive et l’ajout de probiotiques constitue un moyen très efficace.

*ces  substances sont  considérées comme d’importants facteurs alimentaires à l’origine de cancers. Nitrates et nitrites sont des sels minéraux contenant de l’azote présents dans notre alimentation végétale et animale, surtout après conservation par saumure. Dans un milieu acide comme celui de l’estomac, les nitrites réagissent avec différents produits de décomposition des protéines de la viande : polyamines, proline, amines diverses. Il s’ensuit la production de nitrosamines, ce type de groupement chimique est très réactif, capable d’attaquer la molécule d’ADN et de s’y lier. Cela altère le matériel génétique et peut conduire au développement de cellules tumorales.

*des fractions cytoplasmiques de Lactobacillus casei ou de Bifidobactérium longum contrent la prolifération de cellules tumorales in vitro et exercent un effet antitumorigène chez la souris porteuse de tumeurs.

les patients concernés :

–          Les sujets âgés

–          Les femmes « petites mangeuses » (hypophages en jargon médical), soumises souvent à des régimes hypocaloriques

–          Les colopathies « fonctionnelles » avec inconfort, gêne, pesanteur, ballonnements, transit irrégulier..

–          Les malades porteurs d’une maladie intestinale inflammatoire chronique

–          L’enfant jeune à risque de diarrhées infectieuses

–          L’enfant soumis à des antibiothérapies fréquentes

–          Les voyageurs (afin de renforcer leurs défenses immunitaires) et prévenir des épisodes de diarrhée.

–          La constipation chronique (augmentation de la biomasse fécale)

–          Les patients immuno-déprimés ou sous chimiothérapie

 

Résumé du rôle des probiotiques :

  • Effet barrière :

Equilibre de la flore intestinale avec augmentation de la population de lactobacilles

Exclusion des pathogènes, inhibition de la croissance des germes potentiellement pathogènes

  • Stimulation de l’immunité :

Augmentation du nombre de cellules et de protéines immunocompétentes

Stimulation de la phagocytose

Protection contre les infections

  • Protection de la muqueuse intestinale :

Flore digestive équilibrée

Stimulation de la production de mucus intestinal

Augmentation de la production des acides gras à chaîne courte, substrats des cellules de l’épithélium

Renouvellement des entérocytes

Neutralisation des toxines et des carcinogènes

Voila pourquoi les fibres alimentaires nous protègent ! Il faut penser fibres, manger des légumes cuits et crus, consommer des fruits et retrouver le goût des légumes secs, du pain (et pas du pain de mie..). En nutrition, on dit toujours que ce n’est pas ce que l’on mange qui est important mais ce que l’on devrait manger et que l’on ne mange pas!

On sait que les microbes intestinaux qui constituent notre microbiote sont des partenaires clés dans la défense de l’hôte contre les agents pathogènes. Cette protection est le résultat d’interactions multiples et complexes entre les bactéries intestinales, les cellules épithéliales qui recouvrent l’intestin (colonocytes) et les cellules immunitaires. Mais une partie de ces interactions implique des métabolites dérivés de la bactérie, comme certains acides gras à chaîne courte, dont le butyrate, produit de la fermentation bactérienne colique bien connue pour ses capacités de défense de la muqueuse intestinale et son action anti- prolifération des cellules cancéreuses. Des travaux ont décrypté (dans la revue Science), comment le butyrate protège l’hôte contre l’expansion de bactéries pathogènes qui pourraient conduire à des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI).

Après avoir été méprisé, cantonné au rôle peu glorieux de “fosse septique” pendant plus de 50 ans, le colon tient enfin sa revanche: il est aujourd’hui la superstar de la recherche internationale et plus une semaine ne se passe sans que ses pouvoirs ne fassent la une d’une émission de télé, de radio, d’un article de presse scientifique ou de journaux! Le “deuxième cerveau est à la mode, en témoigne les livres au succès retentissant comme “le charme discret de l’intestin” de Giulia Enders ou “Ben mon côlon” de Serge Rafal..

 

Bibliographie :

  • “Microbiote intestinal et santé humaine” éditions Elsevier-Masson. Octobre 2021.  Ouvrage sous la direction de Jean-Michel Lecerf Nathalie Delzenne
  • Probiotiques en gastroenterologie : bases rationnelles, effets démontrés et perspectives. Hépato-Gastroenterologie ; 1998 ; vol 5 : 267-273

P. Marteau et JC.Rimbaud

  • Méthodes d’étude : flore microbienne intestinale, physiologie et pathologie digestive. Ed. Biocodex, Paris ; 2004 ; J.Doré L.Rigottier-Gois
  • AFSSA. Rapport du groupe de travail « alimentation infantile et modification de la flore intestinale » ; 2003
  • Revue Nature, “Inside story” ; vol 144; n°7122; décembre 2006
  • Chaîne ARTE: “le ventre, notre deuxième cerveau”. Novembre 2018