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Comment faire une prévention cardiovasculaire ?

On serait tentés de dire: « Comment faire une prévention cardiovasculaire efficace?» En effet, les messages nutritionnels ne sont entendus que par des gens déjà sensibilisés au problème, et pas toujours par ceux qui en aurait le plus besoin : on le voit avec les inscriptions sur les paquets de cigarettes et avec les messages « mangez 5 fruits et légumes par jour » ou « bougez plus » etc..

On vit actuellement dans notre pays un paradoxe : la durée de vie augmente de façon régulière, on n’a jamais aussi bien mangé dans l’histoire de l’humanité et pourtant les maladies cardiovasculaires tuent 180 000 personnes par an en France!
Même si les français d’âge moyen sont actuellement moins touchés que les autres occidentaux par les maladies ischémiques, 176000 personnes meurent chaque année des suites d’une maladie cardio-vasculaire (allant de l’hypertension artérielle à l’infarctus du myocarde en passant par les troubles du rythme cardiaque)
Il s’agit de la première cause de mortalité chez les femmes et la seconde chez les hommes. 500000 patients souffrent d’insuffisance cardiaque, 110 000 nouveaux infarctus du myocarde sont enregistrés chaque année et 50 000 se terminent en morts subites, le décès intervenant une heure après le début des symptômes.
25000 pontages et 40000 angioplasties sont pratiqués chaque année!
Alors que l’on a peur du Sida, de la grippe A, les maladies cardiovasculaires sont acceptées avec fatalité par la majorité de nos concitoyens : « il faut bien mourir de quelque chose.. » entend-on souvent dire !
Selon l’unité de prévention de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière (Pr Bruckert), 30% des individus à la trentaine sont déjà atteints par l’athérosclérose. Ces résultats sont obtenus par un examen échographique des carotides, examen très important pour prévoir un risque cardiaque.
Les principaux facteurs de maladies cardiaques sont : le tabagisme, le diabète, le cholestérol et les troubles lipidiques, l’hypertension artérielle, l’obésité, les antécédents familiaux. Le stress et la sédentarité jouent aussi un rôle qu’il ne faut pas négliger.
On pourrait ajouter parmi les facteurs de risque le sexe masculin, l’âge, la ménopause précoce pour les femmes.

Une prévention nutritionnelle grâce à une alimentation adaptée et personnalisée doit être proposée pour les individus appartenant à des groupes dits « à risque ».
Les études d’intervention nutritionnelle dans l’athérosclérose ont mis en évidence le rôle primordial de la nutrition dans ces problèmes pathologiques. Les premiers travaux ont d’abord cherché à agir sur les seuls facteurs qui semblaient importants : les lipides. Puis sont intervenues les études portant sur un seul aliment, ou un seul nutriment. A présent, ce sont davantage des changements sur l’ensemble de l’alimentation qui sont proposés.

Les grandes lignes de base en prévention cardiovasculaire

En nutrition, ce n’est pas forcément ce que l’on mange qui est important mais ce que l’on devrait manger avec et qu’on ne mange pas !
Aucun aliment n’est mauvais, c’est la répétitivité de certains comportements qui fera augmenter le risque sur le plan cardio-vasculaire.

1) Manger des fruits et des légumes !

Certains aliments apportent des substances antioxydantes bénéfiques pour la protection cardio-vasculaire ou la prévention de certains cancers. Ce sont les caroténoïdes, la vitamine E, la vitamine C et diverses molécules phénoliques. Les végétaux contiennent de nombreuses molécules de type polyphénols. Ces polyphénols sont présents dans les légumes à feuilles en quantité importante (chou, épinard, poireau, laitue…), dans l’oignon, dans les fruits (cassis, cerise, pomme, prune…) et dans certaines boissons (vin rouge, jus de fruits, thé, cidre).

Etant perpétuellement exposées aux rayons ultra-violets captés lors de la photosynthèse, les plantes fabriquent des substances antioxydantes pour se protéger des effets délétères des radiations solaires. Comme dans le règne animal, leurs membranes sont constituées de phospholipides et sont très sensibles aux phénomènes de peroxydation. Pour se protéger, des vitamines (C, E, caroténoïdes) et des enzymes (catalases, peroxydases) sont synthétisés par les végétaux. Ils élaborent en plus des flavonoïdes qui préviennent l’oxydation: ils sont susceptibles de neutraliser les radicaux libres, d’exercer un rôle de protection cardio-vasculaire et de favoriser l’élimination de substances toxiques.
La synthèse de ces substances est influencée par l’exposition lumineuse.
Elles jouent deux rôles au niveau de la plante : celui d’un filtre solaire et celui d’un antioxydant vis à vis des radicaux libres produits par les radiations. Ces flavonoïdes sont directement assimilables par notre organisme quand on consomme des végétaux ou des produits dérivés de végétaux. L’industrie pharmaceutique les utilise pour leurs propriétés protectrices en matière de vaisseaux sanguins, leurs vertus anti – vieillissement et leurs implications probables dans la prévention des pathologies liées au stress oxydatif.
Quand on consomme régulièrement des légumes, crus ou cuits, on protège son organisme, grâce à un éventail de micronutriments bénéfiques pour la santé. La consommation de crudités entraîne également celle de la sauce vinaigrette qui va apporter, grâce à l’huile d’addition (idéal : olive et/ou colza), de la vitamine E, autre antioxydant et des acides gras essentiels.

Selon sa densité en micronutriments, l’alimentation est plus ou moins protectrice. On comprend tout l’intérêt d’une alimentation variée, contenant suffisamment de légumes et de fruits.

2) Faire de l’exercice !

A une époque où la technologie apporte toutes les facilités matérielles pour nous « économiser », pour nous faire renoncer à l’effort, à une époque où la force physique n’est que peu valorisée, où l’abondance d’aliments pousse les gens à consommer plus d’énergie, l’individu ressent le besoin d’activité physique comme un phénomène compensatoire. Il est aujourd’hui établi qu’une alimentation inadéquate couplée à une insuffisance d’activité physique est un déterminant majeur des principales maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète de type2, l’obésité, l’hypertension artérielle et même certains types de cancers*. L’activité physique, pour être bénéfique en matière de santé, doit être régulière et correspondre à une heure de marche à pied par jour ou, en cas de pratique sportive, le rythme de 3 fois par semaine est raisonnable. L’exercice doit être approprié à la personne, en fonction de ses goûts et de ses possibilités. L’activité physique, considérée dans sa globalité, inclut l’ensemble des activités physiques pratiquées dans la vie de tous les jours : jardiner, soulever des charges lourdes, se déplacer en vélo ou en roller. La contribution énergétique de l’activité physique est très variable d’une personne à l’autre mais va compter pour 20% environ de la dépense énergétique totale. Plus on augmente sa masse musculaire et plus on va brûler des calories, même en dormant : on augmente sa dépense énergétique de repos (métabolisme de base). De la même façon, les régimes « à la noix » qui font perdre du muscle, favorisent la reprise de graisse plus tard !
Les sports les plus intéressants dans notre cas de figure sont ceux qui favorisent les efforts longs (course à pied, vélo, natation) L’entrainement augmente l’utilisation des acides gras, surtout quand on s’entraine à jeun.

* revue de l’INPES Avril 2010 et Organisation mondiale de la Santé : diet, nurition and the prevention of chronic diseases. Report of a joint WHO/FAO Expert consultation. WHO Technical Report series 916, Genève : WHO, 2003 :160p

Moins de la moitié des français pratiquent une activité physique favorable à la santé !
La prise de poids est toujours associée à un faible niveau d’activité physique et on peut affirmer aujourd’hui que le maintien à moyen et long terme d’une perte de poids est favorisé par une diminution de la sédentarité et une augmentation de l’activité physique. Quand on observe une population de personnes âgées de 15 à 75 ans, 42,5% atteignent un niveau d’activité physique d’une durée et d’une intensité suffisante pour entrainer des bénéfices en matière de santé. Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à atteindre ce niveau favorable (33,8% contre 51,6%). Cet écart, particulièrement marqué chez les jeunes, s’estompe avec l’âge dans la mesure où la pratique d’une activité physique régulière diminue nettement. La promotion de l’activité physique apparaît indispensable et doit compléter tous les conseils nutritionnels. Il faut inciter les gens à aller au delà de leur pratique habituelle.

Source : revue de l’INPES, institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Evolutions n° 20 Avril 2010
NB : quelques précautions : Avant de faire du sport, si vous êtes en surpoids, faites un bilan avec votre médecin. Commencez « petit », avec une séance par semaine pour augmenter doucement jusqu’à 3 si cela est possible. L’idéal est un jour sur 2. Echauffer-vous avant chaque séance afin de ménager votre cœur et éviter les problèmes. Buvez de façon régulière pendant l’effort, environ 100 à 120 ml toutes les 20 minutes. Apprenez à bien respirer : la respiration doit être ample et favoriser l’apport d’oxygène aux muscles.

3) Bien choisir ses matières grasses!

Même si vous n’avez pas de problème de poids, il est souhaitable de porter une attention particulière à la quantité de graisses dans les aliments, en particulier en graisses saturées : moins de 7 pour cent de votre apport quotidien en calories devrait provenir de gras saturés. Les principales graisses saturées sont apportées par les fromages et les viandes, aliments très intéressants sur le plan nutritionnel mais dont il faudra surveiller l’excès, surtout si on présente des facteurs de risque. La quantité de gras dont vous avez besoin chaque jour dépend de votre taille, poids, et de votre activité. La plupart des hommes ont besoin d’environ 106 grammes de lipides par jour, et la plupart des femmes en ont seulement besoin d’environ 84 grammes par jour (chiffres AFSSA 2010).

Si vous devez surveiller votre alimentation pour limiter le cholestérol alimentaire (celui-ci ne se trouve que dans les produits animaux, alors mangez plus de légumes!) votre effort devra porter aussi sur la réduction des matières grasses saturées. Les gras trans ont été associés aux maladies du cœur, nous vous encourageons donc à les limiter autant que possible.
Il est important de souligner que la diminution des aliments sources d’acides gras saturés (par exemple le beurre, les fromages, les charcuteries et les viandes grasses) permet déjà une réduction significative des apports en cholestérol. Une alimentation réduite en graisses devrait également contenir des quantités adéquates de fibres (environ 20 à 30 grammes par jour), les fibres gênant l’assimilation et la réabsorption intestinale du cholestérol. En conclusion : essayez d’avoir une alimentation faible en matières grasses saturées et riche en fibres ! Mangez plus de poisson, de fibres et de protéines végétales.

4) Avoir un bon IMC !

Les relations entre surpoids (IMC entre 25 et 29,9), obésité (IMC > à 30) et mortalité globale ont été l’objet de nombreuses études épidémiologiques. Si toutes ont conclu à une relation positive entre l’obésité et la mortalité, il n’y a pas de réel consensus sur l’influence d’un simple surpoids sur le risque de décès. Des chercheurs nord américains* ont repris les données de 19 études (cohortes regroupant tout de même 1.460 000 personnes !), avec des sujets suivis pendant une durée moyenne de 10 ans. Pour disposer d’une population ethniquement homogène, ces épidémiologistes n’ont retenu pour leur analyse que les sujets blancs non hispaniques (c’est-à-dire non sud-américains). De plus pour éliminer les principaux facteurs de confusion, on a exclu des calculs les fumeurs (actuels ou passés) et les sujets qui avaient des antécédents de cancer ou d’affections cardiaques susceptibles de réduire leur espérance de vie. C’est à une population homogène, réputée en bonne santé et n’ayant jamais fumé que les auteurs ont limité leurs investigations.
Au-delà d’un IMC de 25 la mortalité augmente
Les travaux sur les sujets ayant un IMC > à 25 confirment les travaux antérieurs : le risque de décès au cours de la période d’étude pour les femmes comme pour les hommes est minimum pour un IMC entre 22,5 et 24,9. Il augmente pour les femmes, de 13 % entre 25 et 29,9, de 44 % entre 30 et 34,9, de 88 % entre 35 et 39,9 et de 151 % entre 40 et 49,9. La relation IMC-mortalité est, comme on pouvait s’y attendre, plus marquée pour ces sujets en bonne santé à l’origine et n’ayant jamais fumé que pour la population générale.
*Berrington de Gonzales A et coll. : Body-mass index and mortality among 1.46 million white adults. N Engl J Med 2010; 363: 2211-9.

5) Avoir un bon chiffre de cholestérol !

Différentes études ont montré de façon significative le rôle du cholestérol comme facteur de risque majeur de l’athérosclérose et des accidents coronariens. Depuis près de 20 ans, les grands principes diagnostiques des hyperlipidémies sont restés inchangés (bilan lipidique avec dosages des taux de cholestérol, de triglycérides, de HDL et LDL cholestérol, recherche des dépôts d’athérome sur les artères..)
Une bonne prise en charge des patients repose sur ces examens simples effectués par le médecin et par une évaluation rigoureuse des facteurs de risque. Le risque coronarien est proportionnel à la multiplicité des facteurs de risque et à leur intensité. Le risque lié aux troubles lipidiques est en partie réversible.
17% des adultes français auraient une cholestérolémie supérieure à 2,5 g/l.
Chacun de nous devrait connaitre son taux de cholesterol.
Pour ces sujets à risque, les conseils diététiques adaptés vont tenir une grande place. Le bénéfice de la prise en charge des troubles lipidiques, en matière d’accidents évités, est directement fonction du risque de la population : il est majeur dans une population à haut risque et modeste quand le risque cardio-vasculaire est faible.
La baisse du taux de cholestérol entraîne constamment une diminution du risque coronarien. Une réduction drastique du LDL cholestérol chez les patients ayant subi un pontage coronarien avec greffe de la veine saphène, limite le développement de l’athérosclérose sur le greffon. Lorsque le taux de LDL cholestérol sérique est compris entre 1,30 et 1,75g/L, sa réduction au dessous de 1g/L prévient la progression de l’athérosclérose.

La diététique adaptée est bien le traitement de choix à proposer comme traitement de première intention. Or, pour être efficace, le programme se doit d’être personnalisé! La simple remise de conseils hygièno-diététiques standardisés ne saurait être efficace.

Plusieurs travaux portant sur des patients ayant une hypercholestérolémie, ont montré qu’une baisse du cholestérol total de 1% entraîne une baisse de risque de 2,5%. Si le cholestérol baisse de 10%, la diminution du risque serait de :
40% entre 45 et 54 ans
27% entre 55 et 64 ans
20% entre 65 et 74 ans

LDL cholesterol et risque:
0,4 g/L de LDL en moins = 10 % de morts en moins !

Pourquoi voir un Diététicien-nutritionniste ?

L’acte diététique permet de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé par le biais de l’alimentation. A sa nature technique, il faut y adjoindre une dimension relationnelle : c’est une pédagogie. Le travail ne consiste pas en la simple remise d’un régime. L’établissement du programme alimentaire personnalisé doit prendre en compte la personnalité du patient dans toutes ses composantes, aussi bien psychologiques que sociales, culturelles ou économiques. C’est un véritable acte de rééducation permettant de déboucher sur des modifications du comportement alimentaire à des degrés divers.
Ces modifications du comportement sont une véritable procédure de négociation qui demande un bon accompagnement de la part du diététicien .Ce processus est d’autant plus complexe que le patient a un long passé de consommateur et que les enjeux thérapeutiques sont importants.
En prévention secondaire, quand on est en présence de maladie coronaire patente, là aussi la diététique est recommandée en première intention et les traitements hypocholestérolémiants ne devraient être institués qu’après échec de la diététique suivie pendant 3 mois. D’autre part, les effets protecteurs de l’alimentation ne se limitent pas qu’au cholestérol et à ses sous-fractions.
La diététique est aussi efficace que les médicaments et présente l’avantage d’être dépourvue d’effets secondaires…
Tous les spécialistes sont unanimes pour conseiller un régime en première intention. Souvent hélas l’importance du régime est sous-estimée et on voit souvent des hypolipémiants prescrits d’emblée sans conseils diététiques préalables alors que l’importance de la prise en charge sur le plan nutritionnel est peu controversée en ce qui concerne les sujets à risque.
La diététique est souvent négligée, victime des mythes et parfois de la méconnaissance des médecins (et du manque de temps de ceux-ci car faire un bilan alimentaire demande du temps). Ceci est en partie responsable d’une surconsommation de médicaments.
On s’est rendu compte que les patients acceptent souvent la maladie cardio-vasculaire avec fatalité. Pour eux, l’infarctus n’est pas lié à la prévention et l’information nutritionnelle a du travail à accomplir…
Tout régime mal prescrit a pour conséquence de démotiver le patient et le diététicien, par sa pratique et la spécificité de sa prise en charge, est le mieux placé pour l’amener à changer ses habitudes alimentaires et respecter en grandes lignes les règles diététiques. De consultation en consultation, il est nécessaire d’affiner les conseils. Les résultats, dans la grande majorité des cas, ne tardent pas à se manifester avec une diminution voire une normalisation des paramètres sanguins au bout de quelques semaines.
Le régime alimentaire conseillé dans l’hypercholestérolémie présente plusieurs avantages : les acides gras mono et polyinsaturés ne se limitent pas à leur effet hypolipidémiant. Il est démontré qu’ils sont capables d’abaisser la pression artérielle et de diminuer le risque de thrombose. Ils ont également un effet bénéfique chez le sujet diabétique. Il serait souhaitable devant des dyslipidémies, de privilégier les conseils hygiénodiététiques en première intention pendant au moins 3 mois. Ce n’est pas toujours le cas !
Si, malgré tout, malgré les efforts du patient et le changement de ses habitudes, ou devant un échec du régime, le bilan lipidique ne se normalisait pas, l’hypolipémiant s’avère indispensable.

Les recommandations nutritionnelles ne doivent pas être que négatives (moins de gras, moins de sel, moins de cholestérol..) mais intégrer des conseils positifs : plus de fruits, de légumes, plus de diversité alimentaire. Les patients doivent apprennent à cuisiner de façon différente et parfois à cuisiner tout court. C’est là où l’aspect pratique et technique de notre profession s’avère utile.