Entre les nausées, l’envie pressante d’uriner jusqu’aux diarrhées ou aux reflux acides, de nombreux sportifs se plaignent de troubles digestifs lors de la course.
Même si les vomissements soulagent en partie, ces désordres limitent la performance et sont à l’origine de nombreux abandons. Ces problèmes, qui toucheraient d’après les enquêtes 1/3 des coureurs, arrivent au premier rang des désagréments bien avant les traumatismes musculaires, tendineux ou osseux.
Les troubles gastriques (de l’estomac) touchent davantage les coureurs qui n’ont pas énormément d’expérience et qui sont spécialistes des distances courtes (inférieures à 25km). Pour leur part, les coureurs de très longues distances (marathoniens, 100 Km) sont plus sujets à des troubles intestinaux.
Un certain nombre de facteurs expliquent ces problèmes digestifs rencontrés par les coureurs :
- La course entraîne des vibrations dues au choc du pied sur le sol, qui se transmettent à tout le corps et qui ont pour effet d’accélérer la dégradation de la muqueuse intestinale déjà fragilisée par la réduction du flux sanguin.
- L’activité physique intense réduit le flux de sang au niveau des muqueuses digestives à des niveaux d’environ 70 à 80% par rapport à sa valeur normale au repos.
Il faut rappeler que l’appareil digestif mesure environ 8 m! (entre la bouche et l’anus). Pendant la course, c’est le travail musculaire qui prime : une grande partie du sang jusqu’alors réservé au bon fonctionnement du système digestif (artère mésentérique, épithélium) est réorientée vers les muscles locomoteurs afin de leur apporter oxygène et glucose. En conséquence, le débit sanguin chute au niveau de ce système en général et des muqueuses en particulier (assèchement du réseau capillaire).
L’acidité présente sur place, et habituellement drainée par le flux sanguin, s’amoncelle entraînant une chute du pH. Cette augmentation de l’acidité est d’autant plus importante qu’elle agit en retour en diminuant encore le flux de sang déjà déficitaire. Dans ces conditions, la muqueuse se trouve directement agressée par l’acidité : des lésions, des micronécroses tissulaires peuvent intervenir. A ce stade, la muqueuse se trouve partiellement endommagée, son fonctionnement est altéré et, en particulier, l’absorption de l’eau se trouve limitée, ce qui peut entraîner des diarrhées.
Peuvent s’ajouter à ces altérations immédiates une extrêmement fragilité donc une sensibilité accrue après l’épreuve, lors de la récupération. En effet, au delà des problèmes digestifs se produisant avant l’épreuve (anxiété…) et pendant la course (ingestion de liquides pendant l’effort), de nombreux coureurs se plaignent de pathologies (diarrhées, vomissements) se produisant après l’effort prolongé. Le retour de la circulation sanguine au niveau des régions irritées pendant l’effort peut déclencher de petites hémorragies digestives : la muqueuse n’est alors plus à même d’assurer convenablement son rôle de digestion des aliments.
L’eau étant mal absorbée, la déshydratation peut favoriser une hyperthermie qui va accroître également les pathologies digestives.
Dans le cas d’exercice intense effectué par un sportif peu entraîné, les troubles digestifs sont nombreux. L’entraînement progressif est donc nécessaire pour éviter la survenue des troubles digestifs éventuels. Il permet de se tester et connaitre ses points faibles.
Les reflux acides
Beaucoup de coureurs ont eu des remontées de substances acides dans l’œsophage. Ces phénomènes sont souvent associés à des repas trop copieux et/ou trop gras, à une position allongée ou pliée après le repas, à une période de stress ou lors de la pratique du sport juste après le repas. Cela est dû à une remontée d’une partie du contenu de l’estomac.
L’estomac produit du liquide gastrique qui contient de l’acide chlorhydrique (eh oui !) destiné à transformer les aliments. Tant qu’il n’est pas vidangé, l’acidité persiste. A la fin du cycle de digestion gastrique, des glandes sécrètent du bicarbonate et quand le pH est neutre, l’estomac se vide par saccades dans l’intestin grêle.
D’où l’intérêt de ne pas courir l’estomac trop plein et de laisser un minimum de temps entre le dernier repas et le départ de la course.
Conseils de base :
courir l’estomac « léger »: l’ingestion de repas riches (en quantité mais aussi en graisses) augmente le nombre et l’importance des retours acides.
laisser le temps de la digestion : la règle des 3 heures est souhaitable même si elle peut être aménagée.
apprendre à mastiquer les aliments et pas manger « au lance-pierre ». La phase buccale permet de broyer les aliments, de les enrober de salive qui, en dehors de son rôle de lubrification de l’œsophage, contient des amylases salivaires, enzymes qui commencent la digestion. Si vous mâchez suffisamment, cela va accélérer la vidange de l’estomac du fait d’une « pré-digestion ».
courir de préférence aux moments les moins chauds de la journée. La chaleur extérieure, la déshydratation et l’augmentation de la température interne qu’elle induit augmentent les problèmes de digestion.
Les troubles intestinaux
Nombreux sont les athlètes à se plaindre d’envies pressantes de passer aux toilettes mais aussi de diarrhées fréquentes. Ces problèmes intestinaux trouvent leurs origines dans des phénomènes vus plus haut (baisse du flux sanguin, vibrations liées au choc des pieds sur le sol, mouvement vertical, alimentation pré course)
La détresse gastro-intestinale durant une course devient parfois un motif d’abandon, alors que le coureur indique la plupart du temps avoir « les jambes pour l’effort ». Mais pour bien cerner la problématique des troubles digestifs, il faut tenir compte du fait que les manifestations se déroulent la plupart du temps dans un contexte d’hyperthermie (grosses chaleurs ou canicule qui amplifie le phénomène) avec une forte déshydratation associée, sans oublier les erreurs nutritionnelles effectuées avant et durant la course (et même après). Les études ont souligné les conditions climatiques avec de fortes chaleurs et un défaut d’hydratation comme étant une des causes déclenchantes. Parmi les autres explications avancées, figure celle d’une flore intestinale perturbée par des bactéries créant une endotoxémie aux effets inflammatoires métaboliques (*). Plus la sévérité des nausées est élevée, plus le degré d’endotoxémie serait corrélé.
Conseils de base pour mieux vivre sa course:
- observer des horaires réguliers de repas est le meilleur moyen de permettre au corps de s’adapter.
- consommer avec modération certains aliments plus difficiles à digérer : peau des fruits, fruits crus, lentilles, maïs, choux, flageolets, frites, pommes sautées.
- penser à bien s’hydrater à l’entrainement, la déshydratation est un facteur clé des troubles digestifs chez le coureur. Il faut entraîner son système digestif « à courir » ! À l’entraînement, évaluez sérieusement votre consommation de liquides (quelle boisson, composition, dilution, quantité, fréquence…) par temps chaud et froid. Vérifiez par ailleurs si les bidons ne sont pas plus adaptés à la gestion de votre hydratation.
- Surveillez le cumul de vos ravitaillements officiels et personnels. Faites attention aux gels mal supportés car sur-dosés en sucres (et sous-dosés en sodium). Privilégiez les boissons de l’effort hypotoniques et l’eau en alternance pour vous hydrater.
- éviter les boissons froides et très sucrées : la consommation de boissons ayant une teneur en sucres très élevée peut provoquer des diarrhées osmotiques. La température de la boisson peut également être une gêne pour la digestion (pas moins de 13° pour une boisson)
- La stratégie à adopter doit viser votre flore intestinale pour lever les inflammations et les désordres métaboliques liés au système digestif. Faites un bilan nutritionnel pour corriger les erreurs nutritionnelles réalisées en course mais aussi au quotidien. On relève souvent des déséquilibres alimentaires (absence de légumes et fruits frais, source d’antioxydants et protecteurs) et des intolérances non dépistées dans le quotidien des coureurs souffrant de troubles digestifs à l’effort (protéines laitières, gluten, lactose…). Réparez et assainissez votre flore intestinale. Veillez à cicatriser votre muqueuse intestinale (cure de glutamine, vitamine D, alimentation anti-inflammatoire) et enchaînez avec une cure de pro et prébiotiques.
- Entraînez votre estomac à vivre des conditions de courses proches du réel (week-end choc, courses mineures). Testez les petits-déjeuners, dressez une liste d’aliments sûrs ou très digestes (ayant peu de fibres, salés, sucrés, chauds, froids, sandwiches, compotes) ou qui vous conviennent le mieux.
- Sélectionnez des « aliments insolites » et testez-les sur le terrain, c’est-à-dire en condition de course (exemple : patate douce salée, eau et noix de coco ou fruits confits (dés de gingembre confits), un gâteau sport fait maison, purée d’amandes ou de noix de cajou, miel…).
- Ne faites pas d’excès de glucides avant une course, même si vous pensez bien faire, en prévision des efforts qui vont suivre. Mangez normalement, et à distance d’au moins 3 h avant l’épreuve.
- Prenez un départ tranquille, surtout s’il fait très chaud et mangez de préférence lorsque la fréquence cardiaque est au plus bas (sur plat ou en montée) et buvez régulièrement dès le départ.
- restez zen ! Le stress favorise les problèmes intestinaux.
Sources :
· Corinne Fernandez (Expert Lepape-info Diététicienne-nutritionniste (http://corinne-peirano.wix.com/dieteticienne-paris)
· Nausea is associated with endotoxemia during a 161 Km ultramarathon. Stuempfle KJ, Valentino T., Hew-Butler T, Hecht FM, Hoffman, MD5.J Sports SCI, sept 2016, vol 34