L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) publie ses avis et rapports relatifs à l’actualisation des repères de consommations alimentaires pour la population française adulte. Ce travail a visé pour la première fois à élaborer des repères de consommation pour les principaux groupes d’aliments visant à satisfaire les besoins nutritionnels de la population adulte, tout en intégrant les enjeux associés à la présence de certains contaminants chimiques dans l’alimentation. L’avis de l’Agence conduit à des évolutions fortes au regard des recommandations antérieures. Elles concernent en particulier la plus grande place à donner aux légumineuses, aux produits céréaliers complets, aux légumes, aux fruits, ainsi qu’à certaines huiles végétales. En contrepoint, l’Agence insiste sur la nécessité de limiter la consommation des viandes, hors volailles, et plus encore des charcuteries et des boissons sucrées. Enfin, l’Agence rappelle la nécessité de diminuer les teneurs de certains contaminants de l’alimentation (arsenic inorganique, acrylamide, plomb) et réitère sa recommandation aux consommateurs de diversifier leur régime alimentaire et les sources d’approvisionnement.
Les repères actuels du Programme National Nutrition Santé (PNNS) portent sur différents groupes d’aliments (fruits et légumes, féculents, etc.) et sur l’activité physique, avec des déclinaisons pour des populations spécifiques (personnes âgées, enfants, adolescents, femmes enceintes et allaitantes). L’évolution des données scientifiques au cours des dix dernières années a permis une révision des repères de consommations alimentaires et d’activité et, plus généralement, du socle scientifique permettant d’asseoir les objectifs de santé publique en lien avec l’alimentation et l’activité physique. En février dernier, l’Anses a rendu un premier avis relatif à la question des repères d’activité physique et de sédentarité. L’Anses publie ce jour ses avis relatifs à l’actualisation des repères de consommations alimentaires dans le cadre du PNNS.
Le travail de l’Agence
L’élaboration de repères de consommations alimentaires doit viser à couvrir les besoins nutritionnels en prévenant le risque de maladies chroniques associé à la consommation de certains groupes d’aliments tout en limitant l’exposition aux contaminants présents dans l’alimentation. Le travail de l’Agence s’est également astreint à prendre en compte les habitudes alimentaires de la population française, afin de faciliter la bonne appropriation des repères élaborés.
En premier lieu, le travail d’expertise a consisté à mettre à jour les références nutritionnelles pour les vitamines, les minéraux ainsi que les macronutriments, en considérant l’équilibre entre les lipides, les glucides et les protéines. Par ailleurs, dans le cadre d’une approche novatrice, un outil d’optimisation intégratif a également été déployé afin d’identifier une combinaison de consommation de 32 groupes d’aliments répondant aux besoins nutritionnels de la population adulte, prévenant le risque de maladies chroniques et limitant l’exposition aux contaminants, en intégrant 41 références nutritionnelles et une centaine de contaminants parmi ceux présents dans l’alimentation.
Des évolutions fortes au regard des recommandations antérieures
Les travaux de l’Agence conduisent à des évolutions fortes au regard des recommandations antérieures. Elles portent en particulier sur une consommation renforcée et régulière de légumineuses (telles que les lentilles, fèves ou pois chiches), la nécessité de privilégier les produits céréaliers les moins raffinés (telles que les pains, pâtes et riz complets ou semi-complets), ainsi que l’intérêt de favoriser la consommation d’huiles végétales riches en acide alpha-linolénique (telles que les huiles de colza et de noix).
Les consommations de fruits et légumes restent cruciales et doivent être renforcées en privilégiant les légumes. L’Anses souligne également que la consommation de boissons sucrées (de type soda ou jus de fruits) doit être inférieure à un verre par jour.
Enfin, l’Agence insiste sur la nécessité de réduire considérablement la consommation de charcuteries (telles que le jambon, saucisson, saucisse, pâté, etc.) afin qu’elle ne dépasse pas 25 g par jour. La consommation de viandes hors volailles (telles que le bœuf, porc, agneau, etc.) devrait quant à elle ne pas dépasser 500 g par semaine. L’intérêt d’une consommation bihebdomadaire de poissons, dont un poisson gras (tel que la sardine, le maquereau, etc.), est réaffirmé.
Des repères permettant de couvrir les besoins nutritionnels de la quasi-totalité de la population tout en limitant les excès
A l’exception de quelques rares nutriments, les repères proposés et intégrant notamment les habitudes de consommation permettent de couvrir les besoins nutritionnels de la quasi-totalité de la population adulte.
Le besoin alimentaire en vitamine D fait encore l’objet de nombreux débats scientifiques, en raison notamment de la difficulté à estimer la quantité de vitamine D synthétisée par l’organisme grâce à l’exposition solaire. L’Agence préconise dans ce contexte que soit réalisée une étude évaluant le statut en vitamine D de la population française. Cette étude est nécessaire à la mise en place de mesures de gestion adéquates, telles que :
· une complémentation personnalisée à travers le système de soins dirigée vers la population adulte ;
· des propositions de recommandations précises d’exposition solaire, compatibles avec la prévention des cancers cutanés ;
· un enrichissement des denrées en vitamine D piloté par les pouvoirs publics, supposant une analyse approfondie des enjeux sanitaires et des bénéfices et risques attendus.
Certains nutriments, en particulier le sodium et les sucres, constituent toujours des enjeux forts en matière de santé publique associés à des excès de consommation. Aussi, pour le sodium, les combinaisons d’aliments proposées doivent permettre de rester en-deçà de la moyenne de consommation de la population française, en réduisant les apports chez les forts consommateurs. Concernant les sucres, les données disponibles n’ont pas permis de distinguer les effets sur la santé des sucres naturellement présents dans les aliments de ceux des sucres ajoutés. Néanmoins, des éléments convergent vers des effets néfastes d’apports élevés en sucres, au-delà d’une limite maximale d’apport. Dans le but de diminuer les apports totaux pour la population la plus exposée, la maîtrise de la consommation des aliments vecteurs de sucres ajoutés, s’agissant en particulier des boissons, apparaît cruciale.
Poursuivre les efforts afin de diminuer le niveau de contamination des aliments
Les travaux de l’Agence ont également mis en avant la difficulté à identifier des combinaisons d’aliments permettant à la fois de couvrir les besoins nutritionnels de la population tout en limitant l’exposition aux contaminants. Pour un nombre limité de contaminants, notamment l’arsenic inorganique, l’acrylamide et le plomb, les niveaux d’exposition restent préoccupants. Comme évoqué dans les conclusions de ses avis récents relatifs aux études de l’alimentation totale (EAT2, EAT infantile) des efforts de réduction des teneurs en contaminants préoccupants restent donc nécessaires. Ils permettront, à terme, que les choix alimentaires de la population soient gouvernés par les contraintes nutritionnelles et non par les niveaux de contamination de l’alimentation.
Dans ce contexte, l’Anses réitère sa recommandation au consommateur de diversifier son régime alimentaire et les sources d’approvisionnement.
Des travaux à poursuivre
L’expertise menée par l’Agence a permis l’élaboration de repères de consommations alimentaires. Leur formulation et leur communication auprès du consommateur par les pouvoirs publics nécessiteront un travail complémentaire permettant d’identifier les formats d’expression les plus adaptés. Au-delà, la démarche utilisée pour le travail de l’Anses sera déclinée pour d’autres groupes de population définis sur la base de critères physiologiques (âge, sexe, niveaux d’activité physique, etc.) ou à partir de comportements alimentaires particuliers (évictions, intolérances, préférences alimentaires, etc). L’Anses prévoit aussi de compléter son travail par une évaluation des effets sur la santé des fréquences ou de la structuration des prises alimentaires dans la journée, ainsi que des contextes de consommation.