Le cholestérol et ses traitements suscitent la polémique en ce moment. Les statines sont à la mode et plébiscitées non seulement dans le traitement de l’hypercholestérolémie, envisagées par certaines études de manière élargie en traitement de prévention du risque cardiaque, évoquées aussi en prévention du cancer, des complications de la grippe et même de la maladie de Parkinson.
Beaucoup d’informations actuellement diffusées dans la presse nationale sur le cholestérol sanguin et les prescriptions de statines ont conduit l’Académie Nationale de Médecine à diffuser l’avertissement suivant : « La mise en évidence dans toutes les populations de l’association des maladies cardiovasculaires à la concentration dans le sang des lipoprotéines qui transportent le cholestérol est l’une des plus grandes découvertes unanimement reconnues de l’épidémiologie contemporaine mondiale (1-3). On meurt d’autant plus vite de maladie cardiovasculaire que sont élevés les concentrations sanguines de ces lipoprotéines, dites LDL. Certaines familles sont protégées des maladies cardiovasculaires mortelles (LDL bas) ou y sont exposées (LDL haut).
La découverte des mécanismes qui déterminent ces concentrations a conduit Michael Brown et Joseph Goldstein à avoir le prix Nobel de médecine en 1985. Ils ont montré comment les récepteurs des lipoprotéines des cellules régulent la synthèse du cholestérol (4). Akira Endo, prix Lasker en 2008, permis de trouver les outils nécessaires à la synthèse et à la fabrication de plusieurs statines, aux caractéristiques pharmacologiques différentes (5).
En 25 ans, les scientifiques de tous les pays ont réalisé des études rigoureuses sur les effets de ces médicaments (6,7) et démontré leur bénéfice dans la prévention de la récidive des accidents cardiovasculaires. Ils ont ensuite démontré un effet bénéfique chez les adultes n’ayant pas encore eu d’accident cardiovasculaire. Une baisse de 40mg /dl de la concentration plasmatique de LDL cholestérol réduit les accidents cardiovasculaires majeurs d’environ 20% et la mortalité totale d’environ 9% (6,7). En association avec tous les progrès médicaux et sociaux des dix dernières années, les statines participent à une réduction continue des décès cardiovasculaires. En France, ceux-ci ont diminué de 40 pour cent entre 2000 et 2010.
Les effets secondaires propres aux statines existent et sont connus. Ce sont des complications musculaires qui, si elles sont sévères, imposent l’arrêt du traitement. Les douleurs musculaires sont retrouvées chez 75% des patients. Une étude de plus vient confirmer ce que les patients savaient déjà : l’effet indésirable très fréquent des statines, en l’occurrence les graves douleurs musculaires qui font arrêter les traitements pour certains. Ces chercheurs du Centre for Healthy Aging de l’Université de Copenhague confirment le mécanisme possible de cet effet secondaire et sa prévalence, dans une récente publication dans le Journal of American College of Cardiology.
Cette étude, danoise, prend une importance particulière alors que 600.000 Danois (soit 30 à 40% des plus de 65 ans) sont sous traitement par statines. « Un effet secondaire bien connu du traitement qui peut décourager les patients de prendre leur médicament ou de faire de l’exercice», explique le Pr Flemming Dela de l’Université de Copenhague. «Nous avons démontré que le traitement par statines affecte la production d’énergie dans les muscles et suggérons que c’est la cause directe de la faiblesse et des douleurs musculaires ».
De faibles niveaux de protéine Coenzyme Q10 : Les scientifiques montrent que les patients traités par statines ont de faibles niveaux de Coenzyme Q10, une protéine dont l’épuisement entraîne une baisse de production d’énergie dans les muscles. Un résultat qui peut compter pour les patients en monothérapie sous statines c’est-à-dire qui n’ont pas d’autres facteurs de risque qu’un cholestérol élevé. Car chez ces patients, l’effet des statines est marginal – selon l’auteur- qui fait référence à une analyse de la Cochrane Review qui indique un effet de réduction du taux de mortalité très faible (0,5%) chez ces patients. Selon le Pr Flemming Dela, pour ce groupe de patients, il serait intéressant de prendre en compte l’effet secondaire musculaire du médicament.
Beaucoup de chercheurs ont suggéré de prendre systématiquement un supplément de Coenzyme Q10, avec un traitement par statines, cela pouvant réduire le risque de ces graves dommages musculaires, mais aucune étude n’a confirmé cette théorie, même si la prise de Coenzyme Q10 ne provoque pas d’effets secondaires pour la plupart des patients. Cette étude fait partie d’un grand programme de recherche concernant les patients sous statines, l’influence des médias, la pression des laboratoires sur les médecins, sur l’acceptation, l’observance ou le rejet du traitement, sur la pratique réelle de l’auto-surveillance et la prise de responsabilité des patients concernant leur santé.
La recherche sur les lipoprotéines continue activement dans le monde entier, car les besoins de réduire les taux plasmatiques de LDL ne sont pas couverts par les seules statines, et des découvertes récentes (11) donnent de nouveaux espoirs pour les cas les plus graves ou les intolérances aux statines. Les statines sont utilisées pour abaisser les niveaux élevés de cholestérol dans le sang en inhibant la capacité du foie à produire le cholestérol. Il faudrait les réserver qu’aux taux de cholestérol réfractaires à la diététique et aux traitements médicamenteux basiques.
Sources :
1. Epidemiological studies related to coronary heart disease: characteristics of men aged 40-59 in seven countries. Keys A, Aravanis C, Blackburn HW, Van Buchem FS, Buzina R, Djordjević BD, Dontas AS, Fidanza F, Karvonen MJ, Kimura N, Lekos D, Monti M, Puddu V, Taylor HL. Acta Med Scand Suppl. 1966;460:1-392.
2. The development of coronary heart disease in relation to sequential biennial measures of cholesterol in the Framingham study. Kahn HA, Dawber TR. J Chronic Dis. 1966 May; 19(5):611-20
3. Effect of potentially modifiable risk factors associated with myocardial infarction in 52 countries (the INTERHEART study): case-control study. Yusuf S, Hawken S, Ounpuu S, Dans T, Avezum A, Lanas F, McQueen M, Budaj A, Pais P, Varigos J, Lisheng L; INTERHEART Study Investigators. Lancet. 2004 Sep 11-17;364(9438):937-52.
4. Role of the low density lipoprotein receptor in regulating the content of free and esterified cholesterol in human fibroblasts. Brown MS, Faust JR, Goldstein JL. J Clin Invest. 1975 Apr;55(4):783-93
5. Competitive inhibition of 3-hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme A reductase by ML-236A and ML-236B fungal metabolites, having hypocholesterolemic activity. Endo A, Kuroda M, Tanzawa K. FEBS Lett. 1976 Dec 31;72(2):323-6.
6. The effects of lowering LDL cholesterol with statin therapy in people at low risk of vascular disease: meta-analysis of individual data from 27 randomised trials. Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators, Mihaylova B, Emberson J, Blackwell L, Keech A, Simes J, Barnes EH, Voysey M, Gray A, Collins R, Baigent C. Lancet. 2012 Aug 11;380(9841):581-90.
7. Statins for the primary prevention of cardiovascular disease. Taylor F, Huffman MD, Macedo AF, Moore THM, Burke M, Davey Smith G, Ward K, Ebrahim S. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 1
8. En ligne dans : www.cepidc.inserm.fr.
9. Cost-effectiveness of statin therapy for primary prevention in a low-cost statin era. Lazar LD, Pletcher MJ, Coxson PG, Bibbins-Domingo K, Goldman L. Circulation. 2011 Jul 12;124(2):146-53.
10. Haute Autorité de Santé. Communiqué de presse: pour un bon usage des statines. 14 février 2013
11. Mutations in PCSK9 cause autosomal dominant hypercholesterolemia. Abifadel M, Varret M, Rabès JP, Allard D, Ouguerram K, Devillers M, Cruaud C, Benjannet S, Wickham L, Erlich D, Derré A, Villéger L, Farnier M, Beucler I, Bruckert E, Chambaz J, Chanu B, Lecerf JM, Luc G, Moulin P, Weissenbach J, Prat A, Krempf M, Junien C, Seidah NG, Boileau C. Nat Genet. 2003 Jun;34(2):154-6
12 . Journal of American College of Cardiology Janvier 2013 Simvastatin Effects on Skeletal Muscle : Relation to Decreased Mitochondrial Function and Glucose Intolerance