L’alimentation, combinée à l’activité physique, est appelée à jouer un rôle-clé dans notre capital Santé, et en particulier au cours du vieillissement.
Les chercheurs de l’institut national de la recherche agronomique (INRA) nous ont livré récemment un nouveau dossier avec des pistes « alimentaires » prometteuses afin de permettre de vivre plus longtemps en bonne santé. Il s’agit non seulement d’éviter la malnutrition et de répondre aux besoins nutritionnels des plus âgés, mais aussi de contribuer, par l’alimentation à prévenir ou retarder les troubles physiologiques et cognitifs.
Quels sont les aliments à privilégier?
Les polyphénols pour les os, les protéines des produits laitiers et carnés pour les muscles, la vitamine A et les acides gras oméga 3 pour le cerveau pourraient contribuer, tout naturellement à lutter contre la dépendance. Sans oublier la notion de plaisir, qui est une condition pour éviter le « syndrome de glissement » chez la personne âgée, avec la dénutrition qui suit.
Il faut retenir principalement une action efficace de certains polyphénols, comme la fisétine des fruits rouges ou des pommes, sur la santé du tissu osseux. La consommation quotidienne permet de réduire la perte de masse osseuse. L’oleuropéine, un polyphénol de l’olive, joue également un rôle protecteur sur la santé du tissu osseux des femmes ménopausées.
Plus largement, de nombreux polyphénols, bien documentés pour leurs propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires ont déjà montré leurs bénéfices pour la santé. Pour n’en citer qu’un, le resvératrol, présent dans le vin et le raisin notamment, a démontré ses bénéfices aussi contre le vieillissement et le déclin cognitif.
On sait que la vitamine A et les acides gras omega 3 jouent un rôle essentiel contre les pertes de mémoire. La vitamine A et ses acides rétinoïdes, par voie pharmacologique ou nutritionnelle, induit une forte régression des altérations cérébrales liées à l’âge et favorise la récupération des performances de mémoire et d’apprentissage. Les besoins en vitamine A, présente dans le foie de poissons et dans les légumes colorés sont augmentés chez le sujet âgé et deviennent plus important au cours du vieillissement.
Il faut consommer des légumes, des fruits ainsi que des poissons gras. Quant aux oméga 3, de nombreuses études ont démontré que ces acides gras indispensables pour l’organisme, présents dans les poissons gras ou certaines huiles telles que l’huile de noix et de colza jouent un rôle bénéfique sur le système cardiovasculaire adulte, sur la mémoire et ont des effets protecteurs contre le déclin cognitif lié à l’âge et la maladie d’Alzheimer.
Les produits laitiers et carnés sont nécessaires pour une santé musculaire optimale : alors que les personnes âgées sont victimes de nombreuses pathologies telles que la sarcopénie (diminution de la masse musculaire), les protéines du lait et la leucine peuvent jouer un rôle prépondérant dans la synthèse protéique et contribuer à préserver la force musculaire et des performances physiques. Il faut dire halte aux ayatollahs qui dénigrent les produits laitiers, ils sont formidables pour les personnes âgées et sont faciles à mastiquer et digestes. Pour la viande, on peut conseiller une température de cuisson faible, proche de 70°C, qui permet une digestion plus rapide et une meilleure assimilation des protéines. Les plats mijotés seront à conseiller car digestes, conviviaux et de surcroît économiques !
Il faut recommander le régime « méditerranéen » car il contient de nombreux micro-nutriments importants, en particulier dans les céréales et les légumineuses (fibres, lignanes, isoflavones et minéraux), associés à des composés phénoliques.
Les fruits et légumes sont particulièrement riches en fibres, acide folique, minéraux, caroténoïdes, vitamine C, composés phénoliques, nutriments dont on sait qu’ils ont un effet anti-carcinogène. Les huiles d’olive et de colza apportent les acides gras mono-insaturés, mais aussi les acides alphalinolénique et oméga 3. Si l’on ne consomme que de l’huile d’olive, on bénéficie d’un apport de polyphénols, de vitamine E et d’acide alphalinolénique important, d’autant que les oméga 6 (pro-inflammatoires) sont absents. Le poisson apporte des acides gras de la série oméga 3 à longue chaîne, dont l’effet sur la santé est bénéfique.
Le vin contient de nombreux composés phénoliques issus du raisin. Il ne faut pas ignorer qu’il fait partie, culturellement, de l’alimentation méditerranéenne, en quantité modérée et régulière. Les OPC (proanthocyanidines), la quercétine et le resvératrol (polyphénol ) présents dans le raisin et le vin sont de puissants antioxydants protecteurs dans la maladie coronarienne et les phénomènes inflammatoires.
Pour conclure enfin, le plaisir de cuisiner (pour soi et pour les autres) et le plaisir de manger sont sans doute le meilleur rempart contre la dénutrition qui touche aujourd’hui 15 à 40% des personnes âgées vivant en institution et 50 à 70% de celles qui sont hospitalisées.
La table (et ce qu’il y a autour) sont autant de moyens concrets de reconstruction des liens sociaux et affectifs comme l’estime de soi, la valorisation de la rencontre, des échanges de ressentis et de savoirs, du respect de soi et des autres.
L’Inra rappelle les facteurs pouvant influer sur le comportement alimentaire et conduire à la dénutrition, comme les troubles de la déglutition ou de la mastication. Il existe des stratégies dites « sensorielles » qui, via des aliments mieux adaptés et un plus grand plaisir alimentaire permettent de prévenir et lutter contre la dénutrition et donc la dépendance.
Il ne faut pas oublier la réalité socioculturelle et socioéconomique de certains seniors. La solitude, le manque de moyens financiers, le manque de motivation à se préparer à manger sont des éléments à considérer avec beaucoup d’attention. L’organisation du temps des personnes âgées est différente de l’organisation du temps habituel. Il faudra les aider à prévoir le repas du soir, du week-end, c’est-à-dire anticiper l’organisation du quotidien qui fait souvent défaut à un âge avancé.
Parfois le manque de matériel de conservation des aliments est aussi une contrainte à une alimentation favorable à la santé. On peut aussi ajouter le manque de disponibilité de la famille, des bénévoles et des professionnels qui parfois pose problème. Dans les années qui viennent le rôle des aidants est amené à se développer afin de maintenir au domicile ceux qui le peuvent, leur permettant une certaine autonomie.
Prévoir aussi!
Le vieillissement en bonne santé est aussi le résultat de toute une vie. La santé d’une personne âgée dépend de son alimentation, on le sait, mais pour vieillir en bonne santé il faut adhérer, tôt dans la vie à un régime équilibré et à un apport alimentaire raisonnable. L’efficacité des modes de vie intervenus tôt crée une sorte de « mémoire nutritionnelle » pour un vieillissement en bonne santé.
Il a été aussi démontré qu’une prise alimentaire réduite aide les animaux et les humains à améliorer leur santé et permet de prolonger la vie. Un mode de vie sain doit être adopté le plus tôt possible dans la vie. Manger moins et sainement, mais quand faut-il commencer ?
Une éducation nutritionnelle mise en place tôt et maintenue tout au long de la vie permet de récupérer les effets positifs sur la santé à long terme et jusqu’à un âge avancé. Adopter des comportements sains tôt dans la vie est donc le premier message à faire passer.
Un effet de mémoire affecte principalement les mitochondries, les mini-centrales électriques des cellules, qui jouent un rôle important dans le processus de vieillissement.
Le diététicien est un rééducateur de santé
Les idées reçues ou fausses ne manquent pas en nutrition et en diététique et les professionnels que nous sommes sont toujours interloqués ou surpris face à des affirmations parfois fantaisistes, des rumeurs colportées par le bouche à oreille, le marketing et la publicité et parfois même par certains professionnels de santé ! Les patients rétorquent alors: « mais comment se fait-il que vous ne soyez pas d’accord entre vous! ». En effet, les consommateurs sont souvent perplexes, voire perdus face à cette multitude, cette cacophonie d’informations et ont du mal à se retrouver face à un discours qui n’est pas toujours scientifique et un labyrinthe d’idées contradictoires!
Et pourtant, on est loin aujourd’hui des régimes contraignants et restrictifs surtout pour les seniors. On peut affirmer qu’on peut manger de tout y compris de la charcuterie et du chocolat en quantité raisonnable, bien sûr. Tout simplement parce que l’état de la Recherche la plus récente ouvre les portes à une révolution silencieuse : le manichéisme, la dualité bien-mal, bon-mauvais en nutrition est en train de perdre sa signification. La chimie fine de nos prodigieuses cellules est plus « intelligente » qu’on ne le pensait ; pour autant bien sûr qu’on ne perde pas de vue l’impératif, le postulat de toute sagesse, sous tous les cieux, de tous les temps : la tempérance.
Reste la plus universelle mais aussi la plus chahutée des « idées reçues »: comme nous sommes convaincus que bien manger ne saurait être triste, nous aimerions, la voir resurgir, la savoir acquise définitivement par tous : rien ne vaut pour la santé, l’humeur et le plaisir des papilles « un vrai repas convivial » que l’on néglige pourtant de plus en plus !
Aujourd’hui, globalement, les personnes âgées mangent plutôt mieux que bien des jeunes! Dans les immeubles où vivent des seniors, on sent encore des odeurs de cuisine alors que dans les immeubles où vivent que des jeunes, le micro-ondes n’a pas d’odeur ! Quand on fait des enquêtes en grande surface sur la fréquentation des rayons fruits et légumes, on s’aperçoit que l’âge moyen des clients est élevé : les jeunes, en effet, délaissent ces rayons pour fréquenter ceux des produits laitiers et des plats surgelés.
Le problème chez la personne âgée est souvent l’isolement et la solitude. On mange beaucoup « à l’affectif » et la personne étant seule, le fait de préparer le repas ne lui apporte plus le même plaisir. Quand on est seul, on cuisine moins et les plats familiaux qui faisaient le régal des enfants et petits enfants ne sont réservés qu’aux réunions familiales. Les besoins se modifient avec l’âge et certaines pathologies ou carences peuvent apparaitre.
L’espérance de vie s’est accrue pour différentes raisons et la proportion des plus de 65 ans augmente dans le monde* et particulièrement en Europe où on devrait passer de 15,9 % d’individus de plus de 65 ans à 26,1 % en 2050. Dans la catégorie des plus de 80 ans (4éme âge), dans les pays riches, on passera de 4,3 % de la population en 2010 à 9,4 % en 2050.
Cela a pour corollaire l’augmentation des maladies dégénératives, source de perte d’autonomie et de dépendance et participe à l’accroissement du nombre de cancers.
Il est nécessaire d’améliorer la santé et la qualité de vie à un âge élevé en diminuant les facteurs de risque comme le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle mais aussi la dénutrition chez certains.
Les règles hygiéno-diététiques figurent au premier plan des mesures préventives : le tabac, une alimentation trop grasse, trop salée et trop sucrée, pauvre en fibres, un manque d’activité physique représentent des facteurs de risque sur lesquels il est possible d’agir. Un bilan nutritionnel est souvent l’occasion de réactiver les choses et retrouver un équilibre.
Les recommandations nutritionnelles ne doivent pas être que négatives (moins de gras, moins de sel, moins de cholestérol..) mais intégrer des conseils positifs : plus de fruits, de légumes, plus de diversité alimentaire. Les patients doivent garder l’habitude de cuisiner, parfois apprendre à cuisiner de façon différente et parfois à cuisiner tout court (dans la cadre de conjoints survivants quand il s’agit d’hommes seuls). C’est là où l’aspect pratique et technique de notre profession s’avère utile.
* 470 Millions aujourd’hui et 820 Millions prévus en 2025 !
Sources:
- INRA Les chercheurs se mettent à la table des seniors
- INRA Science & impact portail actus:
- grand âge et petit appétit: prévenir la dénutrition chez la personne âgée dépendante
- Faire renaître l’appétit et le plaisir de manger en EHPAD
- Dépendance et dénutrition des seniors: un tendance réversible
- Santélog du 6/11/19
- Nature Metabolism 21/10/19 A nutritional memory effect counteracts benefits of dietary restriction in old mice