Aujourd’hui, avec le développement des « fake news » en matière de nutrition, il est de bon ton, dans la mouvance que l’on pourrait qualifier d’ «écolo-bobo », de laisser tomber les produits à base de lait de vache pour des produits à base de lait de chèvre ou de brebis. Ces derniers, ainsi que les produits qui en sont dérivés (yaourts, fromages), voient leur croissance augmenter avec des rayons entiers en grande surface et en magasin bio.
Personnellement, j’adore les yaourts de brebis et les fromages de chèvre, mais en dehors du goût, on peut se poser la question : est-ce que ces derniers apportent une amélioration quelconque en matière de santé ou de digestion ?
Les aspects santé
Le lait de chèvre et les produits caprins sont réputés pour avoir des effets favorables sur la santé. Il y a pourtant très peu de différences entre le lait de vache et le lait de chèvre. La bonne digestibilité de ce dernier pourrait s’expliquer en partie par la teneur en acides gras et triglycérides à chaine plus courte, ainsi que la plus petite taille des globules gras qui le composent. Par contre, en matière d’allergie, tous les experts sont formels : le lait de chèvre n’est pas moins allergisant qu’un autre lait et il peut s’avérer très dangereux de le conseiller à des personnes allergiques.
Est-ce que tout le monde peut consommer du lait de chèvre ?
Jusqu’à l’âge de 1 an, l’enfant est nourri avec le lait maternel ou avec un lait infantile adapté (1er puis 2éme âge). A partir de 1 an et jusqu’à 3 ans, il est conseillé un lait de croissance adapté aux besoins des enfants. Il est possible toutefois de choisir un lait de vache ou de chèvre mais entier car, à cet âge, les besoins en lipides sont importants. On peut aussi alterner lait de croissance et lait entier. A partir de l’âge de 3 ans, toute la famille peut consommer le même lait, en général plutôt demi-écrémé. Il est bon de rappeler que les boissons au soja, à base de riz, d’avoine ou d’amande ne sont que des jus végétaux (enrichis en calcium pour certains) mais ne sont pas des laits !
Comme le lait de vache, le lait de chèvre ne contient pas de conservateurs, le traitement UHT (il est chauffé à haute température) permet de le conserver longtemps avant ouverture, à température ambiante (dans un placard par exemple) ; la date de conservation est indiquée sur l’emballage : entre 90 et 150 jours, soit de 3 à 5 mois. Par contre, une fois ouvert, le lait se garde 2 à 3 jours maximum au réfrigérateur.
Que penser des yaourts au lait de chèvre ou de brebis ?
Tout comme les yaourts au lait de vache, ils constituent de bonnes sources de calcium, de protéines et de vitamines du groupe B. Au sujet des graisses (lipides), la composition est pratiquement la même. Les yaourts demi-écrémés apportent 1,3 g de lipides pour un pot de 125 g, ceux qui sont au lait entier apportent de 3,5 à 7 g de lipides. Les yaourts dits « à la grecque » sont en général plus gras, de même que certains caillés de brebis. Les protéines sont d’excellente qualité car les laits de chèvre et de brebis, comme le lait de vache, contiennent tous les acides aminés essentiels à l’organisme en quantité et en proportion suffisantes. Les teneurs en phosphore, en potassium, en magnésium sont bonnes.
Cas particuliers de l’allergie au lait de vache et de l’intolérance au lactose
Les allergies au lait de vache sont, en général, des allergies aux protéines du lait de vache (albumine et caséine) ou des allergies (ou intolérances) au lactose. Il se trouve que les protéines des différents laits ont des structures très comparables. De ce fait, les experts déconseillent formellement l’utilisation de lait de chèvre ou de brebis en cas d’allergie au lait de vache! Un enfant allergique risque donc d’être aussi allergique aux autres laits. L’alimentation d’un enfant allergique nécessite un avis médical. Il est bon de rappeler que les produits à base de riz, d’amandes, de châtaigne sont nutritionnellement inadaptés à la croissance d’un enfant.
Pour ce qui concerne le lactose, sucre présent dans le lait et les produits laitiers frais (il n’y en a pas dans le fromage sec ou affiné), les personnes intolérantes ne peuvent pas digérer ce sucre. Il est présent naturellement dans le lait de chèvre et de brebis, comme dans le lait de vache. Il est à noter que les yaourts sont plus digestes que le lait pur (ils contiennent une lactase), ce qui permet à la plupart des allergiques d’en consommer un peu sans problèmes de maux de ventre ou de diarrhées.
Fromages au lait cru ou pasteurisés ?
Il ne faut pas oublier le rôle du grand monsieur qu’était Pasteur. Il a fait faire de gros progrès, à la médecine et à la santé publique. En dehors de la vaccination, il a inventé la pasteurisation ! Les fromages pasteurisés sont fabriqués à partir d’un lait chauffé à 74°c pendant 30 secondes, ce qui permet d’éliminer les micro-organismes et permet une meilleure conservation. Les fromages au lait cru sont fabriqués à partir d’un lait qui n’a pas été chauffé (ou bien très peu). Ils présentent des flores microbiennes qui leur confèrent des goûts uniques. Par précaution, les fromages au lait cru sont déconseillés aux populations fragiles, aux femmes enceintes et aux jeunes enfants.
Les compositions moyennes
La composition du lait de chèvre est influencée par différents facteurs : la saison, le stade de lactation, la race, la génétique, l’alimentation du troupeau, les facteurs environnementaux. Comme la vache, la chèvre est un ruminant. Quand elle n’est pas dans les prés, elle est nourrie principalement de fourrages (maïs, luzerne) ainsi que par des cultures fermières (orge, blé, pois, soja). L’apport protéique est, comme pour le lait de vache, important : 35 g par litre environ (essentiellement de la caséine pour 80%, le reste étant de l’albumine et des lactoglobulines). Les sucres représentent 40 à 45 g par litre, essentiellement sous forme de lactose. Ce dernier favoriserait l’absorption du calcium et aurait un effet bénéfique sur le microbiote (flore digestive) en limitant la prolifération de bactéries pathogènes et en favorisant un effet prébiotique.
L’apport lipidique (graisses) est aussi important que dans le lait de vache avec 35 g par litre. L’apport en calcium est de 1000 à 1200 mg par litre et ce calcium est particulièrement bien absorbé.
On voit bien que le lait est plus un aliment qu’une boisson. Ce n’est pas un aliment complet car il manque le fer, la vitamine C et l’apport en fibres mais rares sont les aliments qui apportent autant de nutriments !
Classification des fromages de chèvre
La mention “fromage de chèvre” désigne un fromage au pur lait de chèvre. Certains fromages mi-chèvre doivent contenir au minimum 50% de lait de chèvre (ils ne représentent que 4% des fabrications). Les fromages AOP sont très connus et représentent 5 grandes régions d’élevage en France: la nouvelle Aquitaine, les pays de Loire, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et le Centre-Val de Loire.
On peut énumérer le Valencay, le Rocamadour, le Pélardon, le Chavignol, le Picodon, le Banon, le Chabichou, le sainte-Maure de Touraine, le Selles sur Cher, la Brousse du Rove etc.. Tous les fromages AOP doivent répondre à un cahier des charges très strict, précisant les conditions d’élevage (type de race et d’alimentation) et les pratiques fromagères. La dénomination “fromage fermier” n’est délivrée que lorsque le fromage est fabriqué selon des techniques traditionnelles par un producteur ne traitant que le lait de sa propre exploitation, sur le lieu même de celle-ci. La quasi totalité des fromages fermiers sont fabriqués au lait cru.
On répartit les fromage de chèvre en 6 grandes familles:
- fromage de chèvre affiné au lait cru type Chabichou du Poitou, Picodon, crottin de Chavignol, Pouligny Saint-Pierre, Rocamadour, Selles sur Cher, Valencay
- fromage de chèvre au lait pasteurisé type bûche, bûchette, crottin
- fromage de chèvre de type “camembert” au lait pasteurisé ou cru: chèvre-boite ou brique
- fromage de chèvre à tartiner
- fromage de chèvre frais au lait cru type palet ou crottin frais
- fromage de chèvre frais au lait pasteurisé type buchette fraîche
En conclusion
En France, la consommation de lait de chèvre ou de brebis reste marginale mais tend à se développer. En revanche, yaourts, fromages de chèvre et de brebis représentent plus de 120.000 tonnes par an. Du fait de leurs nombreuses qualités nutritionnelles, ces produits peuvent être recommandés car ils participent au bon équilibre de notre alimentation. Quant à l’animal producteur, chèvre, vache ou brebis, c’est avant tout une histoire de goût !