Dans notre alimentation, le plaisir est un déterminant fort de la consommation, aussi bien en termes de choix comme en termes de quantités consommées. L’objectif est de savoir si ces différentes dimensions du plaisir de manger peuvent jouer un rôle dans la promotion d’un comportement alimentaire sain chez l’enfant et chez le futur adulte. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es! Les habitudes, les comportements acquis dans l’enfance nous façonnent et font partie d’une culture.
Globalement, on peut identifier 3 dimensions du plaisir de manger apprises pendant l’enfance :
1. La dimension sensorielle :
C’est le plaisir de la découverte des différentes saveurs et sensations sensorielles pendant la consommation d’aliments. Les nourrissons ont une attirance innée pour le goût sucré mais le plaisir sensoriel de manger est appris lors des premières années de la vie. L’exposition à certaines saveurs in utero, la consommation de lait maternel ou la répétition de la présentation d’un aliment ont par exemple un effet sur l’appréciation.
2. La dimension interpersonnelle :
C’est-à-dire le plaisir dû au contexte social de la consommation : le rituel, l’entourage, le partage. Les interactions sociales pendant les repas sont indispensables au développement du comportement alimentaire de l’enfant. Les enfants vont par exemple plus facilement goûter un aliment qui est également consommé par un adulte. Ils peuvent également exprimer leurs sensations lorsque le repas est partagé.
3. La dimension psychosociale :
C’est-à-dire le plaisir des représentations cognitives de l’alimentation. Les aliments sont entourés de « croyances », dues par exemple à la marque, l’emballage, le marketing ou un label. Cette dimension du plaisir est basée sur l’hypothèse que notre réaction hédonique à un aliment résulte en partie des représentations que l’on a, qui créent une attente sur le plaisir. Chez les enfants, la publicité à la télévision et le marketing jouent sur ces croyances. Dans un même registre, on a la même chose chez l’adulte avec les marques de vêtements ou de cosmétique. Comme dans le marché de l’art, une oeuvre, un vêtement, une marque d’aliment n’aura comme valeur que celle qu’on veut bien lui donner.
Jusqu’à présent, les interventions de prévention nutritionnelle visant à favoriser des choix alimentaires plus sains chez les enfants se sont surtout basées sur des informations nutritionnelles, indiquant quels types de produits étaient « bons » ou « mauvais » pour la santé.
Ces stratégies d’approche cognitive ont montré un effet limité voire parfois contre-productif sur le choix d’aliments sains par les enfants et adolescents. Comme le disait un célèbre sociologue, les messages nutritionnels ne sont pas souvent efficaces et sont souvent entendus que par un public qui est déjà sensibilisé à la question ! Les autres les ignorent comme les fumeurs ignorent les messages inscrits en grandes lettres et les photos horribles sur les paquets de cigarettes. Sur le plan alimentaire, il n’y a en fait aucun aliment mauvais pour la santé car c’est l’ensemble des aliments consommés qui va jouer un rôle et la répétitivité de certains comportements. Il faut arrêter de conspuer les industriels qui sont là pour vendre et séduire les consommateurs et plutôt responsabiliser les parents qui achètent les produits. D’où l’intérêt du diététicien pour aider les familles à choisir lors de l’achat alimentaire et l’importance de l’information nutritionnelle qui devrait être enseignée dès l’école primaire. En nutrition, ce n’est pas ce que l’on mange qui est important mais ce que l’on devrait parfois manger avec et qu’on ne mange pas (je prends l’exemple des 5 portions de fruits et légumes, message parfois mal compris).
L’attirance innée pour les aliments à forte valeur énergétique peut être contrebalancée en apprenant à tirer du plaisir d’un régime varié et équilibré via les 3 dimensions citées : améliorer la « familiarité » en variant les aliments dans les premières années, partager les repas de l’enfant en famille, ou utiliser une stratégie de communication favorisant les aliments sains pour augmenter leur attractivité. Mener son enfant au marché, lui demander de vous aider à choisir les fruits et légumes, de vous aider à éplucher les légumes ou à préparer un repas va permettre à l’enfant de connaitre l’aliment et se familiariser avec lui. On a peur de ce que l’on ne connait pas et l’enfant aime bien ce qui est répétitif en général.
Dans un contexte d’obésité infantile grandissante, l’éducation diététique proposée par le diététicien-nutritionniste permet de mettre l’accent sur le plaisir de manger, les bases d’une alimentation saine et l’adoption d’une alimentation équilibrée à long terme.
Sources :
· Learned pleasure from eating: An opportunity to promote healthy eating in children? Marty L, Chambaron S, Nicklaus S, Monnery-Patris S. Appetite. 2018 Jan 1;120:265-274.
· La naissance du goût : comment donner aux enfants le plaisir de manger ? Natalie Rigal. Editions Noesis. Septembre 2000
· Site pro du CEDUS. Brèves n°70 – Décembre 2017 – N70005 Marty L