Notre société de consommation n’a jamais aussi bien porté son nom ! A peu près tout se consomme avec une certaine avidité : les fringues, les voyages, les images, la connaissance et l’alimentation n’échappe pas à ce phénomène. L’essentiel est d’éviter toute sensation de manque, de vide, d’absence. A côté de cela, la démesure s’accompagne d’une volonté croissante de maîtrise, de contrôle. La frénésie alimentaire demeure mais les gens aujourd’hui se rabattent sur des produits « light », « bio », « sans gluten » sur le “véganisme” et sur tous les produits réputés « faire perdre du poids » ! Il faut se remplir tout en maîtrisant son apparence car ce qu’on donne à voir de soi tient lieu d’identité. Il s’agit d’apparaître « bien », mince, net(te) et sans bavure ! Le look s’applique non seulement aux parures et tenues vestimentaires mais aussi à l’image et au style de tout un chacun tels qu’on peut le définir dans le regard d’autrui.
Depuis leur tendre enfance, les enfants sont littéralement gavés de nourriture, d’images, de biens de consommation, de sollicitations de tous ordres. Nés dans une société d’abondance relative, ils deviennent très vite des consommateurs que se disputent les industriels avec un certain succès. Souvent trop choyés, nourris, enveloppés (cocoonés) par leurs parents, ils ont du mal à trouver leur identité propre, ils cherchent leurs marques. Ils sont dépendants de leurs parents, n’ont pas les moyens d’être autonomes et les velléités d’autonomie passent souvent par la radicalisation des pratiques alimentaires et du look pour produire du contraste, de l’écart par rapport aux parents, avec une forte aspiration à faire corps avec le groupe de pairs ! On voit ainsi des ados revenir avec des piercings, d’autres revenir de vacances et, à la surprise des parents, refuser dorénavant de consommer tout aliment d’origine animale! Avec le développement d’internet et des réseaux sociaux, ils sont plus facilement ciblés et manipulés aussi bien par des associations que l’on peu qualifier de sectaires, ou des groupuscules activistes (anti gluten, anti produits laitiers, anti protéines animales, complotistes, voire politiques)
Bien avant la puberté, garçons et filles sont concernés par le souci de leur apparence et la quête d’appartenance à ce qu’on peut appeler la « planète ado ». Quand mes enfants étaient petits, je me souviens d’un commentaire de mon fils alors en sixième : « il y a un garçon dans la classe qui met des pantalons en velours et des chaussures en cuir, tout le monde se moque de lui !». Effectivement, quand on voyait sortir les collégiens, où les lycéens, tous, à l’époque, avaient le même jean (très cher) de la marque Diesel ! La suppression de la blouse d’écolier ou de l’uniforme a créé le besoin d’autres «uniformes »!
Les filles, plus que les garçons, sont travaillées par le souci de leur apparence, de leurs formes, de leur corps, et des effets qu’elles provoquent. La plupart d’entre elles oscillent entre satisfactions alimentaires (qui risquent de les faire sortir des canons de la minceur) et le port de tenues et de formes « sexy ». Ces préoccupations les amènent à faire des essais et des corrections alimentaires souvent fantaisistes et des désordres peuvent en résulter à un âge où se construit le capital calcique et l’immunité. Pour un petit pourcentage d’entre elles (10 à 15%), les excès et les restrictions traduisent un état de souffrance qu’il faut savoir déceler rapidement. L’anorexie et la boulimie en sont les expressions alimentaires, avec parfois des conséquences graves en matière de santé. La dysmorphophobie est un trouble de l’image du corps qui concerne beaucoup d’adolescentes (et parfois de femmes plus âgées) : celles-ci se trouvent trop grosses alors qu’elles ont des silhouettes agréables et un indice de masse corporelle tout à fait normal (entre 18 et 25 Kg/m2).
Cette rupture dans les attitudes vis-à-vis des parents traduit des déchirures. Elles peuvent s’exprimer sur la peau (scarifications, piercings, tatouages inesthétiques) ou sur les tenues vestimentaires, le vêtement étant une sorte de seconde peau. Le repas traditionnel autour de la table avec les parents est également remis en cause : « je ne mange pas comme toi », on ne partage plus la même nourriture, les horaires sont également chamboulés et l’anarchie essaye de s’installer. C’est pour cela que les campagnes de prévention ne fonctionnent pas auprès de cette population : on a beau mettre des messages tels que « manger 5 fruits et légumes par jour » ou « fumer donne le cancer », les ados préfèrent le junk food et la clop avec les copains. « No future ! » disaient les punks..
Les sociologues disent « les messages nutritionnels ne sont entendus que par ceux qui veulent bien les entendre et qui sont déjà sensibilisés au problème », en général ce sont les parents qui y sont sensibles !